Devenir mère, et se sentir terriblement seule.

Nous sommes convaincues qu’il est impératif de lever les tabous qui entourent la maternité. Grâce à vos témoignages, vous offrez un soutien précieux à toutes les femmes qui traversent ou ont traversé une épreuve similaire sans oser en parler. Merci pour elles, merci à vous.

Fond rose avec Sharing is Caring écrit dessus

Témoignage d’Anne-Laure

Être mère… devenir mère… poser ses mains sur ce ventre qui grandit chaque jour un peu plus… sentir la vie naître à l’intérieur de soi…

À 25 ans, je sens ce désir qui prend de plus en plus de place dans mon cœur. Quand je rencontre cet homme, qui est aujourd’hui le père de mes enfants, c’est une évidence : je veux fonder une famille avec lui. Et mon corps ressent très vite cette connexion. Je ne le sais pas encore, mais le devenir-mère s’installe rapidement au creux de moi.

Octobre 2018 : premier test positif. Ce petit ange ne verra pas le jour, mais il nous a transportés dans ce chemin du devenir parents, avec la conscience que oui, cette vie existait, et que nous pourrions un jour fonder notre propre famille.

Avril 2019 : un deuxième test positif. Le lendemain de mon anniversaire. Quel cadeau ! Oui, mais…

Ma grossesse n’a pas été remplie d’hormones du bonheur… Je l’ai vécue très détachée de mon corps. Je sentais cette vie grandir en moi, mais je me sentais submergée par les nombreux contrôles, par les « on va faire un examen de plus, juste au cas où, ça devrait aller mais quand même… ». Je comptais les jours, tendue. Je n’ai pas ressenti ces fameuses « hormones de grossesse » qui rendent joyeuse, avec lesquelles la vie semble plus belle.

J’ai eu beaucoup de nausées, d’éruptions cutanées, la peau qui me démangeait énormément… Bref, je le dis aujourd’hui : j’ai adoré sentir la vie se créer en moi, j’ai été très reconnaissante envers mon corps, ce créateur de vie… mais je n’ai pas aimé la période qu’est celle d’être enceinte.

La culpabilité me guette en posant ces mots. Mais non, c’est ainsi que je l’ai vécu, et je l’assume. Je veux lever le tabou de la grossesse parfaite. Même sans complications physiologiques, on peut ne pas être heureuse enceinte. Et c’est important de le dire !

Décembre 2019 arrive, et là… rien ne se passe comme je l’avais imaginé pour mon accouchement. Heureusement que mon corps a su faire ce qu’il fallait, et que mon chéri était à mes côtés. Car je me suis sentie très peu soutenue, peu accompagnée, peu considérée par l’équipe soignante. Rien que de l’écrire, j’en ai encore les larmes aux yeux…

Et encore plus quand mon fils est né. Comme si, d’un coup, je n’étais plus qu’un utérus, un bassin ayant donné la vie. On contrôlait cette zone, on vérifiait si tout se remettait en place, si ça cicatrisait. Mais jamais je n’ai eu droit à un « Comment allez-vous ? ».

Comme si le fait que je ne pleurais pas voulait dire que tout allait bien. Comme si je devais aller bien, puisque j’avais donné la vie et que l’accouchement n’avait pas été compliqué. Comme s’il fallait une raison pour me poser cette question. Alors que j’étais terrifiée d’être devenue mère. Moi, qui réalisais que j’avais toujours cherché l’amour de ma propre mère. Moi, qui vivais un tourbillon d’émotions. Moi, qui doutais. Moi, qui ne savais pas changer une couche. Moi, qui découvrais les montées de lait, les tranchées. Moi, qui avais envie de crier « MAIS POURQUOI PERSONNE NE M’A PRÉVENUE DE ÇA ??? », mais qui étais trop fatiguée pour le dire.

Moi, qui souriais devant les visites, parce que « ça ne se fait pas d’être épuisée et d’avoir juste envie qu’on me foute la paix. Il faut penser à la famille qui veut rencontrer l’héritier… ». Dès les premiers instants de vie de mon fils, je me suis sentie oubliée, abandonnée, réduite à un utérus sur pattes. Mon corps était une usine de création. Une vache laitière. Et mon être ? Inexistant aux yeux du monde…

J’ai adoré tenir mon fils dans mes bras, respirer son odeur. Mais qu’est-ce que c’était dur. Passer de 24h/24 avec lui dans mon ventre, à le protéger à 100 %, au « Allez, tu me le passes ? J’aimerais bien le porter un peu, moi aussi », ou encore « Tu l’as eu neuf mois, je peux en profiter maintenant ». Quelle violence ! Et personne pour me demander comment moi j’allais.

Puis les mois passent, j’oublie. Je me dis que ce n’était pas si terrible… jusqu’à l’arrivée de mon deuxième fils. Et là, je revis ce sentiment de solitude. J’en pleure, j’en crie, je désespère. Je me sens comme une mauvaise mère, je ne sais plus quoi faire.

Je n’ose pas laisser mon bébé pour aller prendre une douche. J’attends que mon chéri rentre le soir pour pleurer. Et quand il est là, je me douche deux minutes top chrono, « sait-on jamais ». Je grignote car je n’ai pas la force de me faire à manger. Quand mon bébé dort, je n’arrive pas à le poser sans qu’il se réveille. J’ai un mal de dos énorme à force de ne faire que le porter en écharpe. Je ne peux même pas m’arrêter de bouger quand il y dort, alors je fais le ménage. Mais je m’épuise. Personne ne sait quoi faire. Je ne vois pas le bout…

Et puis les mois passent…

Et je me dis qu’aucune femme ne devrait traverser sa maternité en ressentant autant de solitude.

Alors j’ai décidé d’utiliser mon vécu, et mes compétences d’infirmière en santé mentale, pour accompagner les femmes sur leur chemin de maternité. Je veux avoir encore plus d’outils pour être en lien avec elles, pour leur permettre de se sentir comprises, entendues, soutenues. Je me forme comme doula postnatale. Je deviens praticienne en soin Rebozo.

Je veux leur offrir ce cocon de douceur et d’attention que j’aurais tant aimé trouver à ce moment si vulnérable qu’est le devenir mère…

Alors, peu importe où tu en es sur ton chemin : sache que tu n’es pas seule. Tout ce que tu ressens a sa place. Et a le droit d’être accueilli. Tu as le droit. Personne d’autre que toi ne sait mieux ce que tu vis dans ton corps, ton cœur, ta tête.

Fais-toi confiance.

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