Accouchement à domicile & maison de naissance : on fait le point !

Le retour aux accouchements à domicile & maisons de naissance est un véritable phénomène de société et est étroitement lié à la volonté d’être, à juste titre, l’actrice principale de cet instant si particulier qu’est une naissance. Les milieux hospitaliers font de plus en plus d’efforts pour aller dans ce sens en proposant désormais des salles « natures » comme à la maternité des HUG qui en possède deux, cela sans garantir la disponibilité le jour J. Même pour nos contemporaines, accoucher dans un lieu extrahospitalier semble effrayant, voir inconscient. Or, ces deux lieux répondent à des critères bien précis pour qu’un accouchement dans ces structures soit possible. Et c’est sans compter qu’en ces temps de pandémie mondiale, la peur d’une infection en milieu hospitalier et l’absence du papa inquiètent et relancent la réflexion sur les différents types de naissance. On fait le point !

Femme enceinte dans son bain

Les mères ont depuis toujours enfanté avec l’aide d’autres femmes/sages-femmes, dans la chaleur du foyer. Les hommes, médecins en particulier, restaient notamment à l’écart pour des raisons de pudeur et n’ont commencé à intervenir qu’entre 1600 et 1700 dans les cas exceptionnels où l’événement tournait mal ; il s’agissait des accoucheurs. Ceux-ci se sont formés à l’obstétrique au fil du temps mais jusqu’à la moitié du XXe siècle, les accouchements avaient principalement lieu à domicile. Dans les villes, seules les femmes très pauvres ou les mères-filles accouchaient à l’hôpital contrairement aux femmes plus aisées. Fait intéressant, avec l’avancée de la médecine un renversement notable s’est fait sentir après 1950 et de plus en plus de femmes ont accouché à l’hôpital car les mères et les pères se sentaient plus en sécurité en présence de nouvelles techniques dans le cas où surgiraient des complications. Cela n’était pas sans contraintes pour les futures mères qui n’avaient notamment plus le choix des positions et se trouvaient dans un environnement à l’opposé du cocon familial. Elles ont peu à peu perdu la maîtrise de leur corps pendant l’accouchement et la confiance en celui-ci.

Nous avons rencontré Nathalie Luisoni, sage-femme indépendante, coprésidente de la Fédération Suisse des Sages-Femmes (FSSF) pour la section Genève, afin de nous éclairer sur le sujet. Elle a aidé à mettre au monde 454 bébés (en 20 ans) à domicile et dans sa maison de naissance Dix Lunes à Puplinge qu’elle a décidé de fermer en septembre 2019. Étant une maison de naissance privée, elle ne recevait pas le soutien financier nécessaire pour la maintenir ouverte à moindre coûts pour les parents. Il s’agissait de la deuxième maison de naissance du canton, avec celle de La Roseraie, accolée aux HUG. Maman de quatre garçons, elle entreprend ses études de sage-femme après avoir donné naissance à ses deux premiers fils. A ce moment-là, elle a déjà la conviction et l’envie de faire des accouchements extrahospitaliers tout en ayant été formée et ayant travaillé au sein de la maternité genevoise avec laquelle elle collabore régulièrement. Nathalie nous explique qu’il a été important pour elle de travailler à l’hôpital quatre ans après avoir fini ses études car le personnel est confronté à des pathologies et à des situations qu’il n’est pas possible d’observer ailleurs, alors que les accouchements à domicile ou en maisons de naissance sont des grossesses physiologiques, donc qui se déroulent parfaitement bien. Des pathologies peuvent bien entendu survenir lors de ces naissances physiologiques et il est important pour la sage-femme, ainsi que pour la santé de la mère et l’enfant, que de pouvoir les détecter correctement et de prendre les mesures et transferts nécessaires.

MS : Nathalie, y-a-t-il des différences entre ces deux types d’accouchements physiologiques, notamment dans le suivi de la grossesse ? 

NL : Fondamentalement pas du tout. Le suivi est le même, si ce n’est que dans un accouchement à domicile ce sera la même sage-femme qui aura fait le suivi global. Pour la maison de naissance, cela dépend si c’est un suivi exclusif avant, pendant et après ou si c’est un système de rotation dans la maison avec aussi la même sage-femme avant et après mais sans savoir qui sera de garde pour l’accouchement. C’est le cas de beaucoup de maisons de naissance en Suisse et à La Roseraie notamment. 

MS : Combien de rendez-vous sont nécessaires pour préparer ce type d’accouchements ?

NL : Si on peut voir les parents dès le début de grossesse après le premier rendez-vous chez le gynécologue ou généraliste pour un check-up général et confirmer que la future maman est en bonne santé, le suivi peut débuter. Mais il se peut que certains parents arrivent entre la 28ème et la 30 semaine ce qui est un peu tardif parce qu’il restera peut-être trois rendez-vous avant l’accouchement mais si on arrive à les voir 6-7 fois c’est une bonne moyenne. Pour résumer, il y a sept consultations avec deux échographies prises en charge par l’assurance faite dans des centres spécialisés ou chez le gynécologue. Moi je demande une troisième échographie à 32-34 semaines parce qu’on est dans le cadre d’un accouchement extrahospitalier afin de confirmer la position, la quantité de liquide, etc. C’est une forme de couverture pour nous protéger mais je sais qu’il y a plusieurs collègues qui ne font pas cette 3ème échographie. 

MS : Est-ce qu’il y a une préparation particulière en plus des cours de préparation à la naissance ?

NL : Personnellement, j’aime bien aller à domicile vers 36-37 semaines (quand l’accouchement peut potentiellement se déclencher hors hôpital) pour visiter la maison, l’infrastructure, les étages, voir avec les parents où est-ce qu’ils pensent s’installer pour la naissance de leur bébé. Tout cela permet de concrétiser. On regarde le matériel à disposition, quels accessoires on peut utiliser pour certaines positions (comme l’écharpe accrochée) ou encore si les parents souhaitent la naissance dans la chambre à coucher et que celle-ci se trouve à l’étage avec un escalier en colimaçon, il faudra changer les plans (sourire). Moi j’utilise beaucoup la baignoire d’accouchement, il faut donc savoir où la placer, les robinets à proximités. Il y a toute une logistique à prévoir dès le début du suivi, à quel étage vous habitez, à quelle distance de l’hôpital le plus proche (à 20 minutes ou à la montagne ?) et quel type de transfert (ambulance, hélicoptère) alors qu’en maison de naissance tout est déjà installé.

MS : Quelle est la motivation première de ces deux types de lieux versus l’hôpital ?

NL : La notion de temps. Même si nous avons aussi des protocoles à suivre, on va prendre en compte certaines situations et on va pouvoir essayer d’autres choses, être libre de ses mouvements va aider la maman, pas de monitoring branché en permanence, etc.

MS : Et quand ça ne se passe pas comme prévu ? A quel moment te dis-tu qu’il faut faire un transfert à l’hôpital ? Quelles contraintes ont les sages-femmes ?

NL : La décision peut venir des deux côtés. Autant de la sage-femme qui va dire « ok, là on a tout essayé » elle a laissé du temps, essayé des techniques, bref elle a exploité tout son art de sage-femme. Autant ça peut être la mère qui dit « je n’en peux plus, j’ai trop mal, je suis fatiguée, je veux une péridurale », mais ça reste disons subjectif. Nos transferts sont prédictifs, c’est-à-dire qu’on va transférer avant que quelque chose tourne mal comme une hémorragie, un bébé qui ne va pas bien. Dans les deux établissements, nous n’avons pas le droit de faire des accouchements en siège et c’est arrivé que le bébé soit bien positionné la veille et qu’à la dernière minute il se tourne. De même, nous ne suivons pas de grossesses gémellaires, hypertension, diabète, maladies auto-immunes etc.

MS : Quelle est la situation de transfert d’urgence dont tu as le plus été confrontée ?

NL : Urgence relative car la majorité de mes transferts étaient liés à des malpositions du bébé ne favorisant pas l’engagement dans le bassin, comme le bébé qui regarde le ciel (postérieur). Si on ne parvient pas à le retourner, il ne nous reste pas d’autres options que de transférer et c’est très frustrant car tout allait parfaitement bien. La deuxième épine est la poche des eaux rompue sans contractions et on arrive au bout de la limite de temps autorisé, avec risque d’infection. 

Il s’agit là des points importants à prendre en compte lors d’un accouchement extrahospitalier. Nathalie insiste encore sur le fait que cette décision découle d’un véritable choix et volonté de la part des parents qui vont automatiquement s’orienter et être orientés dans un accompagnement global aux disciplines connexes afin de se préparer au mieux pour vivre cette expérience.

Pour aller encore plus loin sur le sujet, retrouvez ci-dessous un lecture, un documentaire mais également une MotherStory #sharingiscaring à télécharger et à écouter. Rebeca a interviewé Béatrice, maman de 5 enfants, qui nous raconte son accouchement à domicile pour son 4ème il y a 11 ans mais aussi la comparaison avec ses autres accouchements à la maternité de Genève.

MotherStory #sharingiscaring (4 minutes):
Témoignage de Rebecca, maman de 1 enfant et enceinte du 2ème nous raconte son expérience en maison de naissance à Genève.

Lecture pour les futurs parents :
Ina May Gaskin – Le Guide de la naissance naturelle. Retrouver le pouvoir de son corps – Mama Éditions, 2012.

Documentaire :
Accoucher autrement de Camille Teixeira (sortie cinéma le 22 janvier 2020).

Association Suisse des Maisons de Naissance : www.geburtshaus.ch
La Grange Rouge (Grens, près de Nyon) : http://lagrangerouge.ch/

Rebeca Foëx-Castilla
Maman d’Ethan, Amos et Numa
Doula diplômée
www.rebecadoula.ch
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