On dit souvent qu’il faut un village pour élever un enfant, qu’il faut être réceptive aux conseils, mais qu’il faut aussi se faire confiance. Cet équilibre est difficile à trouver, surtout lorsque l’on parle de la santé de nos enfants. Mon troisième enfant est autiste. Il aura fallu 8 ans pour arriver à un diagnostic en partie à cause de ce yoyo mental entre “ils doivent avoir raison, c’est normal”, et “je sais qu’il y a quelque chose”. Notre histoire n’est qu’une parmi tant d’autres mais illustre la manière dont ce yoyo peut retarder une prise en charge.
Jusqu’au 2 ans de mon fils (le dernier de 3 garçons plutôt rapprochés), nous l’appelions “le bébé ultime”. Il a vite fait ses nuits, grandissait comme il fallait, s’occupait tout seul, ne cherchait pas à grimper partout, était souriant, adorait sa maman de jour même s’il détestait la crèche. (Oui, rien que dans cette phrase il y a au moins 3 choses qui aurait dû nous mettre la puce à l’oreille mais bon). Peu après ses 2 ans, nous avons déménagé en Nouvelle-Zélande (le prochain qui me demande si j’ai suivi mon mari je l’étripe, c’est MOI qui ai trouvé du travail !).
C’est là que les choses ont basculé. Il refusait tout changement. Il ne voulait pas de la nouvelle maison, de la nouvelle voiture, aller dans une nouvelle crèche et il a commencé à faire 5 à 7 crises par jour qui pouvaient durer jusqu’à 1h30 (uniquement avec nous sinon ce n’est pas drôle). Il refusait de parler en public et a développé, entre autres, des obsessions vestimentaires et alimentaires. J’ai pensé à de l’autisme (il y en a dans la famille de mon mari), mais en me confiant à mes proches ils me rassuraient. C’est normal, il y a beaucoup de changements dans sa vie, il ne peut pas encore s’exprimer correctement, c’est les “terrible two”, apprendre 2 langues c’est dur, vous êtes moins disponibles, etc.
A chaque nouvelle difficulté son lot d’explications et de réassurance. Et comme nous étions en difficulté, nous nous servions de ces paroles apaisantes pour nous rassurer qu’il allait bien, que le problème venait de son environnement, ou que ce n’était qu’une énième phase qui finirait par passer.
Mais les phases ne passaient pas et mon mari et moi sentions que “la vérité était ailleurs” (si tu as la référence, n’essaye plus de cacher ton âge, je t’ai repéré). Notre fils parle bien, n’a aucune difficulté scolaire, est sociabilisé, sourit et regarde les gens dans les yeux quand il parle (chose qu’on lui a apprise). A cause de tout cela, j’ai dû insister lourdement pour que son docteur veuille bien le référer à un organisme de prise en charge car il n’en voyait pas l’intérêt malgré mes explications. La visite du spécialiste s’est limitée à une heure d’observation à l’école. Verdict : c’est un enfant anxieux mais il lève la main en classe et il regarde les gens dans les yeux quand il parle, circulez il n’y a rien à voir. J’ai beaucoup pleuré ce soir-là et avec mon mari nous nous sommes sentis démunis.
En août 2021, après 7 ans en Nouvelle-Zélande et tout autant de non-accompagnement, nous sommes arrivés en Suisse. En février 2022 le diagnostic tombe après une vraie prise en charge auprès de professionnels ENFIN à l’écoute : il est autiste. La libération. Il n’était pas fou ou bizarre comme il le pensait. J’avais fini par croire que je lui inventais des problèmes. Depuis, nous apprenons à connaître SON autisme et nous avons enfin du soutien et une “feuille de route” pour naviguer les prochaines années.
Mon message n’est pas de ne pas faire confiance aux proches qui veulent nous rassurer ni au corps médical qui en sait 1000 fois plus que nous, mais c’est de se faire confiance. En 2015 j’avais dit à une collègue “un jour je lirai un truc quelque part et je reconnaîtrai mon fils, il y a quelque chose”. Si vous vous reconnaissez dans mon témoignage, ne lâchez rien. L’explication viendra et on finira par répondre à vos doutes, mais ne lâchez rien. Ça vaut le coup.
Hélène Girard
Maman de trois garçons de 10, 12 et 14 ans
www.faminimaliste.com
Instagram
Partager cet article