MotherStories de Jessica : Aimer, perdre et renaître – Une histoire de résilience face au deuil.

Jessica partage son expérience bouleversante après la perte soudaine de son mari. Ensemble, ils avaient déjà traversé l’épreuve de la maladie, ce qui les avait rapprochés et préparés, sans qu’ils le sachent, à l’idée de l’absence. Mais rien ne pouvait la préparer à ce départ brutal. Comment trouve-t-on la force d’annoncer une telle tragédie à ses enfants ? Comment continue-t-on à avancer quand tout s’effondre ? Dans ce témoignage intime, Jessica revient sur son histoire d’amour avec Daniel, l’impact de la maladie sur leur couple, et la façon dont, malgré la douleur, elle a trouvé en elle une force insoupçonnée. Un parcours de reconstruction difficile, mais porteur d’espoir, où elle réapprend à vivre pour elle et pour ses enfants, avec courage et résilience.

Peux-tu nous raconter quel genre de relation vous aviez, Daniel et toi, au début de votre vie de couple ?
Daniel et moi nous sommes rencontrés il y a plus de dix ans. Il était inspecteur de police, un métier qui le passionnait, et j’étais assistante de direction. On formait un couple très complice, basé sur le respect et l’humour. Daniel avait une personnalité rassurante, un vrai pilier pour moi. Il aimait l’action et avait ce besoin de protéger les autres, ce qui transparaissait aussi dans notre relation.

Quand nous avons eu Noa, puis Emma, il s’est révélé être un père incroyable, toujours présent, aimant, et investi. Nous avions une vie simple mais heureuse, rythmée par notre quotidien de jeunes parents et nos projets d’avenir.

Quelques années avant son décès, Daniel a été diagnostiqué avec un cancer. Peux-tu nous en dire plus ?
À la fin de l’année 2021, juste après la naissance d’Emma, on a découvert par hasard que Daniel avait un cancer du rein. Ce fut un séisme. On s’est pris cette nouvelle en pleine figure, et d’un coup, notre quotidien insouciant a basculé. On s’est dit : « Ça n’arrive pas qu’aux autres. »  Et pourtant, on n’avait pas d’autre choix que de faire face.

Daniel, cet homme fort que je voyais comme mon roc, devait se battre. Heureusement, l’opération s’est bien passée et les médecins étaient confiants. Mais cette épreuve nous a fait prendre conscience de la fragilité de la vie.

Comment cette période a-t-elle changé votre façon de voir la vie ?
Quand on est confronté à la maladie, on réalise à quel point tout peut basculer en un instant. On a décidé de ne plus remettre les choses à plus tard. Un jour, un peu sur un coup de tête, on s’est mariés, simplement, avec nos témoins. Ce n’était pas une grande fête, juste un moment pour nous, pour sceller notre amour et se sentir protégés l’un l’autre, quoi qu’il arrive. Je crois que, quelque part, on voulait se préparer à l’éventualité d’une absence, même si on espérait tous les deux que Daniel irait mieux.

Après cette épreuve, on a vécu différemment. On savourait plus chaque instant, même les plus banals. On était plus proches que jamais.

Puis, en juin 2023, tout a basculé à nouveau…
Oui… Un vendredi, j’étais au travail, les enfants étaient à l’école, et Daniel était en congé. Deux policiers ont frappé à la porte de mon bureau. J’ai senti que quelque chose n’allait pas, mais jamais je n’aurais imaginé ce qu’ils allaient m’annoncer. « Madame, nous avons une terrible nouvelle… »  Daniel était mort dans un accident.

Je n’y croyais pas. Ce n’était pas possible. Il avait vaincu le cancer, il allait bien ! Mon esprit s’est brouillé, je ne comprenais plus rien. Je pensais à tout et à rien à la fois. Comme un réflexe absurde, je me suis dit qu’il fallait que je déplace son scooter pour ne pas qu’il ait des amendes… Mon cerveau essayait sûrement de se raccrocher à quelque chose de concret pour ne pas sombrer. Heureusement, la psychologue de la police m’a guidée à travers cette première journée cauchemardesque.

Comment as-tu trouvé la force d’annoncer cette terrible nouvelle à tes enfants ?
Je n’ai pas eu le choix. Dès cet instant, il fallait que je sois forte pour eux. Noa avait presque 5 ans, Emma 2 ans et demi. La psychologue m’a conseillée d’aller droit au but : « Papa est mort. » Emma a répété la phrase, sans vraiment comprendre, puis elle est repartie jouer. Noa, lui, a saisi immédiatement. Son regard s’est brisé. Il s’est mis à pleurer en répétant : « Non, c’est pas vrai. » C’était insoutenable.

Pour essayer de l’aider, je lui ai donné l’exemple du Roi Lion, lui expliquant que, comme Simba, il allait grandir entouré de belles personnes, tout en gardant pour toujours son papa dans son cœur. Ce moment a été un tournant : j’ai compris que ma mission, désormais, était de les aider à avancer malgré l’absence.

Comment as-tu accompagné tes enfants dans leur deuil tout en traversant le tien ?
Chaque enfant réagit différemment face au deuil. J’ai essayé d’être transparente avec eux, sans leur imposer trop de choses. Ils ont participé à la cérémonie et allumé une bougie pour leur papa, mais je ne voulais pas qu’ils soient confrontés à son corps. Pour leur expliquer la mort, j’ai utilisé des métaphores adaptées à leur âge, comme l’image d’une feuille d’automne qui se transforme en poussière.

J’ai aussi tout fait pour qu’ils continuent à vivre des moments de joie. Malgré la douleur, on a maintenu des rituels et des activités qu’on avait prévus. Il fallait préserver une certaine stabilité pour eux. Dès le premier jour, les enfants ont été mon moteur, ils m’ont impressionnée par leur résilience et leur capacité à vivre au jour le jour .

Comment as-tu réussi à te reconstruire après ce drame ?
Le premier réflexe a été de quitter notre appartement. Trop de souvenirs, trop de douleur. On est allés vivre chez ma maman quelques jours, le temps de souffler. Je m’y sentais protégée comme dans une bulle. J’ai reçu un soutien immense, de ma famille, spécialement ma maman et ma sœur que je remercie infiniment, de mes amis, mais aussi de mes voisins. Ils m’ont aidée dans les démarches, ont gardé les enfants, m’ont apporté des repas. Cette solidarité a été essentielle.

Petit à petit, j’ai appris à prendre du temps pour moi. J’ai trouvé du réconfort dans la nature, lors de balades en forêt, et dans des moments de bien-être comme les massages. Parfois, il faut juste s’accorder le droit de respirer.

Qu’est-ce que cette épreuve t’a appris sur toi-même ?
Je ne me serais jamais crue capable de survivre à une telle douleur, et pourtant… Aujourd’hui, je vis différemment. Je ne projette plus trop loin, je savoure chaque petit bonheur du quotidien. Un coucher de soleil, un éclat de rire… La vie est précieuse, même quand elle nous blesse. J’ai aussi découvert une force intérieure insoupçonnée.

On parle souvent de résilience, mais je crois que tant qu’on n’a pas vécu une épreuve de cette ampleur, on ne sait pas à quel point on peut être fort.

Quel message voudrais-tu transmettre aux mamans qui traversent un deuil ?
Vous n’êtes pas seules. Même si la douleur semble insurmontable, on finit par retrouver un chemin. Faites-vous confiance, écoutez votre intuition. Entourez-vous de personnes bienveillantes, osez demander de l’aide. Et surtout, ne laissez pas la douleur vous priver de la lumière qui existe encore autour de vous.

On ne guérit jamais vraiment d’un tel drame, mais on apprend à vivre avec. Et un jour, on se surprend à sourire à nouveau.