MotherStory Amalia : vivre à l’étranger en famille, entre défis et découvertes.

Et si l’on partait vivre à Lagos avec un enfant de deux ans, un bébé de six semaines et deux billets via New York ? Amalia et son mari ont relevé ce défi un peu fou. Grands voyageurs avant de devenir parents, ils ont choisi d’intégrer leurs enfants à leur mode de vie plutôt que de tout remodeler autour d’eux. Trois ans au Nigeria, entre imprévus, entraide et découvertes, leur ont appris l’art de la simplicité, l’importance d’un réseau solide et la richesse d’une ouverture au monde sans limites.

Kids at Beach in Nigeria

Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Amalia, j’ai 42 ans, je viens de Fribourg. Mon mari Jini est d’origine rwandaise et il a grandi en Suisse. Nous avons trois enfants : Keynaan, Keziah et Amani, aujourd’hui âgés de 11, 9 et 2 ans. Je travaille dans le marketing et lui dans le développement durable. Avant même d’avoir des enfants, nous avions déjà beaucoup voyagé. À nous deux, nous avons visité environ 45 pays chacun, vécu sur plusieurs continents, et cultivé des amitiés un peu partout dans le monde. Découvrir, partager et profiter des plaisirs simples de la vie – dont la gastronomie et la musique – fait partie de notre identité familiale.

Comment est né ce mode de vie « famille & voyage » ?
Quand nous avons décidé d’avoir des enfants, nous avons choisi de les intégrer à notre vie telle qu’elle était, plutôt que de tout adapter autour d’eux. Nous n’avons pas voulu renoncer aux voyages, aux week-ends entre amis, aux aventures.

Une partie de la famille de Jini vit en Afrique de l’Est, au Rwanda, et il était important pour nous de relier nos enfants au continent africain, d’y découvrir ensemble les différentes cultures qui le peuplent. Nous avions ce projet depuis longtemps, même avant d’être parents. L’opportunité professionnelle de Jini au Nigeria (Afrique de l’Ouest) a rendu ce rêve possible, et j’ai moi-même pu obtenir un poste sur place. Tout s’est aligné, et nous avons sauté le pas.

Comment s’est passée l’installation à Lagos avec un enfant de 2 ans et un bébé de 6 semaines ?
J’ai accouché en été 2016. Un mois plus tard, Jini devait suivre une formation de deux mois à New-York. On a beaucoup hésité à partir avec lui, mais je ne me voyais pas rester seule avec deux petits à Genève. Finalement, nous sommes partis tous ensemble, avec le bébé de six semaines. La famille et les amis nous ont énormément soutenus pour les bagages, les papiers et toute la logistique.

Arrivés à Lagos, rien ne s’est déroulé comme prévu : l’appartement de fonction promis n’était pas disponible. Il a fallu trouver un logement dans un quartier sûr et le meubler entièrement en urgence. Avec l’aide d’un ami, nous avons même fait construire des meubles sur place. C’était une période très stressante, mais aussi une aventure.

Heureusement, j’allaitais et notre deuxième était un bébé « facile » et heureux d’être là. C’était mon « bébé de voyage », comme un sac à main, je l’emmenais partout, des magasins de matelas au bureau du consul suisse qui m’a reçue à Lagos à notre arrivée. Nous avons aussi eu la chance d’avoir un énorme soutien de notre entourage : ma belle-mère est venue au début, des amis d’amis nous ont orientés, et des Nigérians nous ont accueillis les bras ouverts. Comme il est courant au Nigeria d’avoir une aide à domicile, nous avons rapidement trouvé une nounou, ce qui a changé la donne.

Cette installation a été intense, parfois épuisante, mais elle nous a rapprochés. Avec du recul, je ne recommanderais pas forcément de s’expatrier avec un bébé de six semaines… mais pour nous, c’est resté une expérience précieuse.

Quels ont été les plus gros changements dans votre quotidien ?
Nous avions déjà beaucoup voyagé, donc nous n’étions pas totalement surpris. Mais Lagos, c’est une mégapole de plus de 20 millions d’habitants : un trafic permanent, des embouteillages qui peuvent durer des heures, une vie entièrement motorisée. Pas de balades spontanées à pied ou à vélo comme à Genève. On passe de la maison à la voiture, de la voiture à la maison des amis ou au restaurant. En contrepartie, la ville est extrêmement vivante : concerts, expositions, restaurants qui ouvrent sans cesse, fêtes… C’est une sorte de New York africain.

Autre changement majeur : la maison. Nous vivions dans un grand logement avec jardin et piscine, ce qui était un luxe, surtout avec des enfants. Ils pouvaient jouer dehors, même si l’accès à la nature « brute » – forêts, balades – était plus limité.

Et puis, il y a eu la nounou à domicile. Elle nous aidait avec la maison, la cuisine, la lessive, et elle s’occupait aussi beaucoup des enfants. Cela a allégé notre quotidien d’une façon incroyable, en nous permettant de passer du temps de qualité avec eux, sans être accaparés par les corvées.

Comment avez-vous géré la logistique (logement, santé, sécurité, déplacements) ?
Nous avons adopté une philosophie minimaliste. Avec notre premier enfant, nous avions déjà compris qu’un bébé n’a pas besoin de mille gadgets. Pour le deuxième, nous avons pris l’essentiel : une poussette solide, quelques habits… le reste s’est trouvé sur place.

Côté sécurité, Lagos est une grande ville qui peut être compliquée, mais en respectant les consignes et en restant dans les bons quartiers, nous nous sentions en confiance.

Pour les déplacements, tout devait être planifié : avoir un chauffeur, une voiture fiable, organiser les trajets.

La santé a été notre principal sujet d’inquiétude. Le pays compte d’excellents médecins, mais souvent installés à l’étranger. Sur place, le niveau de soins est très variable. Nous avons donc mis en place un double système : une pédiatre à Genève qui restait disponible pour nous conseiller, et une autre sur place pour le suivi. Nous avons aussi adapté les vaccins des enfants. Cette anticipation nous a permis de vivre plus sereinement.

Quel impact sur les enfants ? Et toi, en tant que maman ?
Mon aîné avait deux ans et demi. Avant de partir, j’avais suivi une conférence de psychologues qui expliquaient que, pour un petit, un déménagement est toujours un grand bouleversement, qu’il s’agisse de changer de rue ou de pays. Pour le préparer, j’avais inventé un jeu : une famille de lions en plastique montait dans un camion pour partir vivre ailleurs. Cela l’aidait à comprendre que nous allions déménager ensemble.

Sur place, il a reçu énormément de chaleur et de bienveillance, à l’école comme dans la vie quotidienne. Le retour en Suisse lui a surtout permis de retrouver la liberté de se balader dans la rue ou au parc, ce qui lui avait manqué.

J’ai aussi constaté que plus les enfants grandissent, plus les déménagements sont difficiles. À 6 ou 9 ans, changer d’école, d’activités ou de copains est plus complexe que de partir à deux ans et demi.

Pour moi, la maternité est une traversée intérieure, quel que soit le lieu. Le post-partum est toujours un défi. Mais à Lagos, avec les imprévus permanents et les déceptions de dernière minute, j’ai dû rester organisée, demander de l’aide, avancer malgré la fatigue. Ce n’était pas facile, mais cela m’a rendue plus résiliente.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?
Le Nigeria, c’est le pays de l’imprévu permanent. Un jour sans électricité, un autre sans eau, des bouchons interminables… Et, dans la même journée, une rencontre incroyable : des musiciens avec qui je collaborais, ou une ONG qui scolarise des enfants des bidonvilles et m’a profondément marquée.

Chaque journée pouvait être difficile et inspirante à la fois. Comme on dit souvent : « trois ans au Nigeria, c’est comme dix ans ailleurs ».

La meilleure période pour voyager ou s’expatrier avec des enfants ?
Pour moi, le plus simple, ce sont les bébés/toddlers. Tant qu’ils sont avec leurs parents, ils s’adaptent. Mais si c’était à refaire, je ne repartirais pas avec un nouveau-né de six semaines : c’est trop tôt, surtout pour la maman encore épuisée. Et dans l’idéal, le post-partum devrait se vivre dans le calme d’un cocon familier.

Avec des enfants plus grands, c’est une autre difficulté : gérer le changement d’école, les copains, les activités, leur autonomie.

Vos plus beaux souvenirs ?
Les week-ends sur des plages paradisiaques, les soirées au bord de la piscine à discuter, la scène culturelle bouillonnante de Lagos, tout ça dans une culture accueillante et chaleureuse sous un soleil radieux. Et surtout, le luxe d’avoir du temps de qualité avec nos enfants, grâce au soutien que nous avions à la maison.

Comment avez-vous géré vos carrières tout en élevant deux enfants en bas âge ?
Notre départ était d’abord motivé par nos carrières. À Lagos, nous avons recréé un système de soutien (nounous, chauffeurs, amis proches) qui remplaçait celui qu’on avait en Suisse avec les grands-parents et la famille.

Un vrai plus : les enfants sont les bienvenus partout. Même dans les restaurants ou lors d’événements professionnels, ils étaient acceptés. Cela change tout. Vie sociale, vie professionnelle et vie familiale cohabitent aisément.

Qu’ont retenu vos enfants de cette vie en Afrique ?
Ils ont appris à voir le monde sans clichés. Pour eux, l’Afrique n’est pas seulement les images de pauvreté qu’on voit parfois en Occident. Ils savent qu’il existe des gens très cultivés, connectés, riches, et d’autres très vulnérables. Comme partout.

Ils ont développé une grande curiosité, une ouverture d’esprit et beaucoup de gratitude. Ils ne prennent pas certaines choses pour acquises, comme l’eau potable ou la sécurité. À l’école, leurs enseignants nous disent qu’ils ont une culture générale au-dessus de la moyenne et une vraie soif de comprendre le monde.

Si c’était à refaire ?
Oui, sans hésiter. Nous avons rencontré des amis pour la vie, appris énormément sur nous-mêmes, gagné en humilité et en gratitude. Peut-être que je choisirais un timing différent, pas six semaines après un accouchement… mais l’expérience en elle-même, je la referais les yeux fermés.

Tes meilleurs conseils pour une famille qui envisage la même aventure ?

  1. Ouvrez votre cœur et votre esprit. Connectez avec les locaux, soyez curieux, acceptez l’imprévu. C’est là que se trouve toute la richesse de l’expatriation.
  2. Moins, c’est mieux. Adoptez une approche minimaliste. Prenez l’essentiel, le reste se trouve sur place.
  3. Préparez le terrain. Tissez des contacts avant de partir, informez-vous sur les quartiers, les écoles, les pédiatres et les coûts réels.
  4. Chiffrez. Assurez-vous que votre contrat ou vos finances couvrent le logement, l’école, la santé, l’eau potable, l’aide à domicile.