MotherStories vous emmène dans les coulisses d’un accouchement à la Clinique Générale-Beaulieu. Tout au long de l’année, vous découvrirez nos Interviews mettant en lumière les différents acteurs présents lors d’un accouchement et le rôle de chacun avant, pendant et après la naissance. Aujourd’hui, on parle de la gestion des émotions en post-partum avec Muriel de Muralt, psychologue à la Clinique Générale-Beaulieu.
Muriel, peux-tu te présenter en quelques mots
Je suis psychologue spécialisée dans le développement des jeunes enfants de 0 à 3 ans et dans la parentalité. Je travaille à la clinique Générale-Beaulieu depuis 10 ans où je rencontre les parents qui désirent un moment pour eux, un moment d’échange.
Quel est ton rôle ?
Mon rôle en tant que psychologue est de permettre aux nouveaux parents de partager avec eux leurs doutes, leurs craintes et ainsi laisser ces derniers à la maternité pour qu’une fois de retour à la maison la maman et/ou le papa puissent débuter leur nouvelle aventure familiale plus sereinement.
N’oublions pas qu’on ne naît pas parent, on le devient ! La parentalité est un bouleversement considérable dans la vie d’une femme, d’un homme. Les parents se sentent souvent démunis face à ce nouveau petit être et doutent de leurs compétences parentales. Pourtant, c’est un apprentissage de tous les jours où le bébé et ses parents apprennent à se connaître, à s’apprivoiser et à tisser un lien.
Quels sujets abordes-tu avec les mamans/parents qui viennent te voir ?
Les sujets varient et dépendent des parents. Nous pouvons reprendre le vécu de l’accouchement qui parfois est difficile ou les interrogations qu’ils ont concernant la découverte de leur nouveau rôle.
Est-il normal de ressentir des Ups & Down émotionnels en post-partum ?
Oui, c’est tout à fait normal. Certaines mamans ont parfois le sentiment que leur état ne correspond pas à l’image de la naissance « parfaite » véhiculée par la société et les réseaux sociaux. Une naissance représentée comme un grand moment de bonheur et de connexion immédiate avec son bébé. Il faut réussir à les défaire de ce cliché et de la culpabilité ressentie. Il est très important que les mamans puissent se confier, qu’elles ne restent pas seules et qu’elles soient rassurées.
Qu’est-ce que le baby-blues et combien de temps dure-t-il ?
La chute d’hormones est la principale cause du baby-blues. 50 à 80% des jeunes mamans en présentent un après la naissance. Les signes sont une forte émotivité et une humeur labile. Elles pleurent facilement, se sentent tristes ou sont irritables, anxieuses. Elles ont également des difficultés au niveau du sommeil, elles dorment mal. Cet état survient entre le 2e et le 5e jours après l’accouchement et est de courte durée, de quelques jours à 10 jours.
Quelles sont les différences entre baby-blues et dépression post-partum ?
Les différences sont le moment d’apparition des symptômes, l’intensité des symptômes et la durée de cet état émotionnel. La dépression du post-partum survient dans l’année qui suit l’accouchement avec un pic au cours des 3 premiers mois. Contrairement au baby-blues, la dépression du post-partum dure plusieurs semaines, mois voire années.
Pour info, durant la grossesse ou dans l’année qui suit la naissance d’un enfant, la dépression du post-partum touche 1 femme sur 8.
Est-ce qu’elle peut aussi toucher les papas ?
Oui, on en parle peu ou pas, toutefois les hommes sont également touchés par la dépression du post-partum et l’incidence est presque aussi élevée que chez la femme. Ils présentent les mêmes symptômes, mais il est moins évident de les dépister car les hommes ont tendance à cacher leurs émotions et cela passe la plupart du temps inaperçu.
Quels conseils donnerais-tu à une maman en post-partum pour mieux gérer ses émotions ?
Pour traverser au mieux ces premiers mois d’adaptation après la naissance d’un enfant et de ne pas sombrer, c’est de ne pas s’oublier. Il faut s’octroyer des moments pour soi, sans devoir se préoccuper de bébé et sans culpabiliser ! Au début, il s’agira de demander au conjoint, à un parent ou une amie de surveiller bébé afin de pouvoir prendre une douche tranquille ou de pouvoir faire une petite sieste, puis quand vous en ressentirez le besoin, d’aller voir une amie, faire une balade ou tout simplement prendre du temps pour faire ce qui vous manque le plus depuis que vous êtes devenue maman.
Il faut éviter de rester enfermée seule à la maison toute la journée, tous les jours avec bébé. Si vous vous sentez triste ou anxieuse, parlez-en autour de vous et osez demander de l’aide à votre famille, des amis ou autres professionnels de la santé (sage-femmes, pédiatres, obstétriciens, psychologues, MotherStories…).
As-tu le souvenir d’une une maman que tu as suivie qui t’a particulièrement marquée ?
Je me rappelle un jour être entrée dans la chambre d’une maman en larmes, submergée par ses émotions. Elle se sentait coupable de ne pas avoir ressentie de la joie et de l’amour tout de suite après la naissance de son bébé.
Je l’ai rassurée en lui affirmant que cet « amour inconditionnel » dont tout le monde parle ne se fait pas toujours immédiatement après l’accouchement, qu’elle n’est pas seule à ressentir cela, mais qu’il est difficile de le verbaliser, car peur d’être jugée. J’essaie de l’apaiser en lui expliquant que ce lien va se construire peu à peu.
Je finis par la rendre attentive à comment son bébé est attiré par sa voix et son visage. Ce n’est qu’en le réalisant que celle-ci s’est effondrée en larmes mais de joie cette fois.
Ces moments viennent souvent réconforter les mamans qui doutent de leurs compétences parentales. En général, ces simples étapes suffisent pour apaiser les mamans et leur permettent d’accepter leurs émotions sans culpabiliser. La majorité d’entre elles n’ont pas besoin de re-consulter une fois rentrées à domicile bien que je reste à leur disposition si elles en ressentent le besoin.
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