Il était une fois l’histoire de 2 femmes, Laurence et Audrey. L’une célibataire, l’autre en couple dans une relation “classique”. Un coup de foudre d’abord amical puis amoureux. Une relation semée d’embûches les premières années, entre difficultés à s’accepter pour l’une et à être acceptée par sa famille pour l’autre. Mais leur amour, plus fort que tout, finira par balayer les derniers doutes. Elles décident d’officialiser leur union et de se lancer dans l’aventure de la maternité. Aujourd’hui, Laurence et Audrey ont 2 enfants et le 3e est en route. Leur histoire nous a particulièrement touchée car elle est porteuse d’espoir ! Comme elles nous l’ont dit très justement pendant l’Interview : “les couples homosexuels choisissent vraiment d’être parents, il n’y a jamais d’accident. Finalement, le genre importe peu quand il s’agit d’encourager, d’entourer, de consoler, d’accompagner et surtout d’aimer un enfant. Il est temps de découvrir la MotherStory de cette jolie famille arc-en-ciel.
Pouvez-vous présenter chacune en quelques mots ?
Je m’appelle Laurence j’ai 39 ans je suis psychologue spécialiste en Neuropsychologie FSP en cabinet privé. Je suis Audrey j’ai 37 ans et je suis adjointe de direction à l’école Eden, école primaire bilingue à Genève. Nous sommes en couple depuis 15 ans et liées par un partenariat enregistré fédéral depuis 2015. Nous sommes les heureuses mamans de 2 enfants de 2 et 5 ans et Audrey porte notre 3e enfant qui naîtra en juin prochain.
Où vous êtes-vous rencontrées et comment est né votre désir d’enfant ?
Nous nous sommes rencontrées lors de nos études à la Faculté de Psychologie de Genève en 2005. J’étais en couple depuis plusieurs années et Audrey célibataire. Pour moi (Laurence), ma rencontre avec Audrey fut un vrai coup de cœur. Tout d’abord amical puis amoureux.
Notre relation fut semée d’embûches les premières années, entre difficultés à s’accepter pour l’une et à être acceptée par sa famille pour l’autre. Ce n’est qu’en 2014, fortes de notre amour que nous avons décidé d’officialiser notre union par des fiançailles suivies de la signature d’un partenariat enregistré fédéral, puis finalement par une magnifique cérémonie au printemps 2015 sur le sable du Pyla entourées de nos proches.
Notre envie d’enfants était partagée de tout temps par nous 2. Nous avions envie de fonder une famille depuis longtemps. Le sujet avait été abordé dès le début de notre relation. Bien décidées à aller au bout de nos rêves, nous nous sommes lancées dans ce projet un peu fou, celui de la PMA… A l’étranger.
Étiez-vous d’accord de qui allait porter votre/vos futur-s enfant-s ?
De 2 ans plus âgée qu’Audrey et prête depuis plus longtemps dans ma tête, nous avons décidé que je me lancerai (Laurence) la première dans les démarches de PMA. Audrey portera notre second enfant.
Quelles ont été les premières démarches dans votre aventure PMA ? Quel pays avez-vous choisi et pourquoi ?
Nous avons choisi le Danemark pour leurs valeurs, leur manière d’appréhender la PMA et l’accueil fait aux couples de femmes mais également pour le fait que nous pouvions choisir un donneur « ouvert » c’est-à-dire un donneur acceptant d’être mis en contact avec l’enfant à sa majorité si l’enfant le demande.
Comment avez-vous choisi le donneur ?
Nous avons décidé de faire appel à une banque de sperme danoise afin de pouvoir acheter suffisamment de spermes pour espérer faire plusieurs enfants issus du même donneur. Les cliniques ne peuvent vous le garantir.
Notre choix s’est porté principalement sur une personne proche de nous physiquement. Il s’est avéré que le premier dossier que nous avions ouvert au hasard fut celui sur lequel s’est porté notre choix.
Avez-vous eu le même donneur pour vos 3 enfants ?
C’était notre idée bien sûr. Nous aurions voulu que les enfants aient ce lien génétique. Mais, malheureusement après 2 ans et demi d’essais, 3 FIV et 15 échecs pour avoir notre 2e enfant, nous avons décidé de changer de donneur. Ce fut un deuil à faire. Mais quel fut notre bonheur lorsqu’Audrey tomba enceinte à la 4e FIV et donna naissance à notre 2e petit prince âgé aujourd’hui de 2 ans.
Comment ça s’est passé d’un point de vue pratique ?
Il faut un entourage bien présent, des moyens financiers (et oui), un couple plus uni que jamais et un employeur flexible pour se lancer dans ce projet. Tous les couples qui font appel à la PMA pour concevoir un enfant le savent bien… Nous avions les trajets en plus étant donné l’état de la loi en Suisse.
Et émotionnellement ? N’avez-vous jamais failli baisser les bras ?
Ce fut intense ! Les montagnes russes, le stress des premières semaines à l’affût du moindre signe d’une grossesse… Les pleurs, le chagrin après l’échec et l’espoir qui renaît derrière. Et, finalement, la joie immense lorsque la magie fonctionne.
Comment vivez-vous votre maternité en Suisse ?
Nous la vivons très bien. La société est prête. Il y aura toujours des personnes pour vous dire que vous faites fausse route mais celles-ci ne font pas le poids face à notre besoin d’exister et de vivre notre vie… Comme tout le monde.
En Suisse, est-ce que la conjointe est-elle toujours impliquée/acceptée par le corps médical, les structures scolaires & co ?
En Suisse, sur le plan médical nous avons toujours été bien acceptées et prises en charge. Idem pour nos enfants. Nous avons vécu une seule mauvaise expérience en France dans un pôle santé où nous nous sommes rendues avec Audrey dans le contexte d’une fausse couche. Le médecin a été ignoble avec nous. Heureusement, ce fut la seule fois !
Est-ce que celle qui ne porte pas l’enfant se sent-elle moins impliquée/considérée ?
Généralement, les choses se passent très bien. Il est vrai quand j’y repense que lors du cours de préparation à l’accouchement, la sage-femme fut incapable de modifier son lexique durant les 3 séances. Elle utilisait systématiquement le terme « papa » pour parler du partenaire ce qui nous a mises hors de nous. Malgré nos réflexions, elle n’a pas modifié son langage. Nous ne nous sommes pas senties inclues entièrement à son cours.
D’un point de vue légal, il faut encore s’accrocher, être patiente, très patiente et accepter de faire l’objet d’une enquête sociale de la part du service d’adoption avant de pouvoir être considérée légalement comme le second parent de nos enfants.
Il faut se préparer à devoir biffer le mot « père » sur un bon nombre de documents officiels. La loi change mais les documents restent les mêmes. Tout prend du temps.
Légalement, comment chacune est-elle reconnue ?
Nous sommes toutes les deux parents ! Depuis le premier jour de la conception, nous sommes parents de nos enfants. Légalement, les choses sont différentes. La loi a changé en janvier 2018, mais Audrey est devenue parent de notre premier enfant né en 2016 seulement en octobre 2019. En ce qui me concerne, cela fait plus d’un an que le dossier d’adoption a été déposé et que ma demande est en attente. Le service étant débordé, notre enfant doit attendre pour avoir officiellement un second parent.
Est-ce que le quotidien d’un couple de parents lesbien est-il le même que celui d’un couple de parents hétérosexuel ?
Nous imaginons que oui. Une vie de famille comme les autres. Nous partageons notre temps entre nos enfants, nos métiers respectifs, nos proches, nos loisirs. La charge mentale est bien pleine mais répartie entre nous deux. Chacune de nous a ses forces et ses savoir-faire. Les choses se font naturellement entre nous et ce, depuis le début. La clé de notre longévité : être à l’écoute des besoins de l’autre et un amour inébranlable.
Étiez-vous alignées sur le type d’éducation pour vos enfants ?
Oui, les choses sont très naturelles et faciles entre nous. Notre éducation est le résultat de ce que nous avons reçu chacune par nos parents respectifs et de l’envie de faire mieux. Etant formée aux neurosciences et Audrey dirigeant une école ayant comme l’un de ses fondements, la discipline positive, c’est tout naturellement que notre éducation est faite d’écoute, d’encouragement, de respect et de fermeté.
Nous sommes des parents imparfaits mais conscientes de l’être et fières de notre parcours. Notre rêve : faire de nos enfants des personnes positives, bien dans leur tête, ouvertes aux autres, respectueuses de la planète et libres.
Vous répondez quoi à celles et ceux qui pensent qu’il faut une figure paternelle & maternelle pour l’équilibre de l’enfant ?
Je les laisse penser et observer le monde qui les entoure. Nos enfants sont très heureux et équilibrés et cela se voit. Ils sont entourés d’une merveilleuse diversité qui les font grandir et s’épanouir. Adultes, ils auront toujours quelque chose à nous reprocher et tant mieux cela fait partie du développement. Nous sommes persuadées que nos enfants ne nous reprocheront jamais d’avoir eu deux mamans comme parents pour les encourager, les consoler, les accompagner quotidiennement et les aimer.
Est-ce que votre aîné de 5 ans vous pose des questions ? Craignez-vous que vos enfants vous fassent des reproches plus tard ou qu’ils cherchent à connaître leur géniteur ?
Il sait depuis toujours qu’il a 2 mamans et pas de papa. Il sait qui de nous deux l’a porté dans son ventre. Lorsqu’on décide de former une famille arc-en-ciel, on ne triche pas. On ne se cache pas. On a conscience que d’autres avant nous se sont battues pour avoir ces droits. On est fières de notre famille.
Les questions techniques sur la conception viendront avec le temps et nous seront là pour y répondre. A l’adolescence, les questions sur leurs origines viendront peut-être et là aussi, on est prêtes à y répondre sereinement. Il pourra, comme ses frères, avoir accès à l’identité de son donneur et le contacter s’il le souhaite.
Quel conseil/message avez-vous envie de donner aux couples homosexuels qui désirent devenir parents ?
Lancez-vous. Si tel est votre rêve… Allez-y. Et surtout soyez fiers/fières de ce que vous êtes et de votre amour. Vous serez alors suffisamment forts/fortes pour dépasser les embûches que vous rencontrerez sur votre parcours.
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