Maman célibataire: le quotidien de Laure.

Que l’on soit en couple ou seule, élever un enfant est un défi de tous les jours et une immense responsabilité. Nous avons rencontré Laure, une pétillante maman célibataire depuis 2,5 ans qui partage avec nous son quotidien et sa vision de la maternité. Nous sommes admiratives !

Laure, peux-tu te présenter en quelques mots ?
J’ai 35 ans, je suis d’origine française et je vis à Genève depuis plus de dix ans. Je suis diplômée de la Haute École d’Art de design en Fashion design. En 2016 j’ai rencontré le père de ma fille, Lina qui est née en février 2018. Elle a désormais 3 ans. Depuis septembre 2020, j’ai repris l’exploitation de la boutique du Muséum d’histoire naturelle.

Est-ce que ta grossesse était désirée ? Le papa était-il présent ?
Ma grossesse a été une surprise, ma situation professionnelle n’était pas au clair à cette époque et mon couple vacillait déjà. Malgré tout, cette envie d’être maman était plus forte que tout. Nous avons beaucoup dialogué avec le père de ma fille sur nos peurs face à cette nouvelle étape de notre vie. Nous avons alors décidé de continuer et de passer cette grossesse ensemble. Je me sentais très heureuse et pleine d’énergie. Je me suis beaucoup impliquée dans les préparatifs mais j’ai aussi beaucoup travaillé. Le père de ma fille a tenu son rôle, mais avec du recul, il était surement moins investi que je ne l’étais. Cette grossesse a tout de même été la période la plus heureuse de notre histoire.

Quel âge avait ta fille quand vous vous êtes séparés ? Comment ça s’est passé ?
Ma fille avait à peine 6 mois quand nous nous sommes séparés. Le rythme des disputes était soutenu depuis sa naissance et je me sentais profondément seule dans cette nouvelle expérience. Il m’est alors apparu vital qu’en élevant une petite fille et de ce fait une future femme, je puisse lui apporter un modèle de maman sereine et de femme épanouie. J’ai eu longtemps peur de me confronter au jugement de ma famille et de mes amis. Je savais que mon couple était un total « échec » même si ma fille était le plus merveilleux cadeau que la vie nous ait offert. La séparation a été brutale de part et d’autre mais nécessaire. Nous nous sommes quittés du jour au lendemain, plus rien n’était envisageable.

As-tu eu peur de te retrouver seule avec Lina ?
Je savais que c’était la meilleure des décisions mais effectivement ma principale crainte était de savoir si j’allais arriver à élever ma fille seule. Cela m’a procuré une immense sensation de vertige au début, Lina était encore si petite. La peur s’est révélée au fil du temps un véritable moteur. J’ai vraiment pris confiance en moi au fil des mois qui ont suivi cette rupture. Plus ma fille grandissait et franchissait les étapes de son développement, plus mes angoisses se dénouaient. Je devais garder la face pour qu’elle puisse s’épanouir. J’ai puisé en moi pour lui apporter tout l’amour nécessaire et je continue tous les jours. Le père de ma fille ne s’est pas non plus enfui, il a continué à entretenir des liens avec elle jusqu’à ce qu’elle soit assez grande pour passer des week-ends avec lui.

Quelle était ta situation financière à ce moment ?
J’étais encore employée à l’époque et je ne travaillais qu’à 60%. Après cette rupture j’ai vraiment tenu à conserver ce taux de travail avec Lina car cela m’a permis de me reconstruire moralement et de la voir grandir. Je n’étais aussi pas prête à de nouveaux challenges professionnels, le quotidien était déjà assez compliqué. Assumer mon loyer et mes charges c’était sans cesse des calculs. Son père versait une pension mais nous n’avions pas encore passé la porte du tribunal. Il m’a fallu deux années avant de demander un jugement et de pouvoir réclamer quelques aides supplémentaires. Être maman solo c’est tout de même flirter avec la précarité financière.

Être maman solo c’est tout de même flirter avec la précarité financière.

Comment t’es-tu organisée entre le travail et la garde de Lina ?
J’ai eu la chance d’obtenir une place en crèche dès ces 6 mois. Ma mère s’est aussi beaucoup occupée de ma fille, ce qui m’a permis d’assurer mon travail sans trop de problèmes mais surtout de conserver mes ambitions professionnelles. Lorsqu’elle a eu deux ans, j’ai commencé à plus travailler, heureusement la crèche l’a admise à un taux horaire plus important. J’ai désormais la chance et la malchance d’être indépendante. J’étais censée pouvoir adapter mon temps de travail en employant deux personnes mais avec le Covid j’ai démarré seule en non-stop 7 jours sur 7… La folie. J’ai pu respirer un peu les weekends en collaborant avec une étudiante en qui j’ai vraiment confiance mais cela m’arrive encore de faire des crochets dans mon commerce pour travailler une heure ou deux avec ma fille. Je travaille aussi beaucoup le soir quand elle est au lit.

Comment décrirais-tu ta relation avec elle ?
Il est difficile de décrire une relation que finalement très peu de personnes ne voient à part nous deux. Nous sommes définitivement très soudées et complices, mais pas pour autant fusionnelles. J’essaie de lui apporter toute la sécurité dont elle a besoin pour s’épanouir. Nous parlons beaucoup, (beaucoup trop sûrement) et on se marre bien ! Lina est très sociable et autonome ce qui me permet de sortir avec elle sans trop de problème. Elle a déjà son avis sur à peu près tout, j’ai vraiment l’impression de redécouvrir le monde avec elle. Il y a évidemment des moments où je dois mettre des limites mais à l’heure actuelle nous sommes plutôt dans une good vibe (sourire). Je suis très soucieuse de son équilibre dû en partie à la culpabilité que je ressens de savoir qu’elle ne grandit pas dans une famille « classique ».

Quels sont les sacrifices que tu as dû faire suite à la séparation ? As-tu des regrets aujourd’hui ?
En étant séparée, je savais que Lina devrait partir tôt ou tard passer plus de temps avec son papa. Le fameux un week-end sur deux qui me retournait le cœur à l’idée de me savoir sans elle. Mon sacrifice a été de devoir très vite la rendre suffisamment autonome par rapport à moi, pour ne pas la voir partir en pleurant à chacun de ces moments. J’ai dû sacrifier mon côté maman poule surproductrice qui était pourtant inscrit dans mes gênes. J’ai dû aussi sacrifier nos week-ends, afin de pouvoir travailler et nous apporter une stabilité financière. Je pense que lorsqu’on se donne à 100% il n’a pas de raison de regretter quoi ce soit. Hormis quelques activités Montessori de super maman cool que j’ai dû mettre de côté, je pense quand même donner le meilleur de moi-même. Ma maternité et ma séparation m’ont appris qu’on ne pouvait pas tout maîtriser.

Ma maternité et ma séparation m’ont appris qu’on ne pouvait pas tout maîtriser.

Où as-tu trouvé du soutien/réconfort dans les moments difficiles ?
Ma famille et mes amis me soutiennent beaucoup. Ma mère garde ma fille régulièrement, ce qui me permet aussi des moments pour souffler, reprendre de l’énergie. Je me rappelle une forte tristesse et un sentiment de honte lors de la première réunion de parents à la crèche, j’avais l’impression d’être la seule maman à ne pas venir accompagnée, Pourtant après quelques mois, j’ai aussi rencontré une maman dans la même situation. L’année dernière nous prenions régulièrement des cafés ensemble pour discuter de nos difficultés, mais souvent aussi pour en rire ! Les éducatrices ont été aussi très soutenants, cela m’a permis d’avoir un échange sur les progrès de Lina et d’être rassurée sur mon rôle de maman.

Comment te sens-tu aujourd’hui ? As-tu trouvé un bon équilibre de vie et te sens-tu prête à reconstruire une vie amoureuse ?
En entreprenant je me suis donné une nouvelle impulsion. Je suis très fière d’avoir su tenir la barque avec ma fille tout en m’épanouissement professionnellement. Cette nouvelle vie est parfois très éprouvante, le rythme est soutenu entre les allers retours à la crèche, chez son papa et les week-ends où je travaille mais l’on s’en sort plutôt bien toutes les deux. Aujourd’hui je pense sincèrement que le plus dur est derrière moi. Nous avons de la chance de vivre aussi dans un quartier très vivant, ce qui nous aide très nettement au quotidien. Lorsque nous avons un coup de mou, nous sortons manger en bas de chez nous comme si nous étions à la maison. C’est agréable ce sentiment de se sentir toujours bien entourées. La crise sanitaire que nous vivons en ce moment nous coupe un peu socialement mais nous trouvons toujours des activités à faire. J’aimerais me reconstruire sentimentalement, mais les priorités du quotidien ne me donnent pas assez de temps pour m’investir. C’est parfois frustrant mais je reste très positive quant à l’avenir, il y a sûrement un temps pour tout.

Est-ce qu’il y a malgré tous des côtés positifs, des avantages à être maman solo ?
Il y a certains avantages de taille je dois l’admettre. Par exemple, lorsqu’il y a une crise à la maison, nous résolvons le problème en tête à tête avec Lina, ce qui me semble parfois plus simple que lorsqu’on ajoute une troisièmement personne à l’équation. Quant à la charge mentale dont de nombreuses mamans témoignent, pour moi les choses sont claires, je n’ai pas à en vouloir à mon compagnon puisque je n’en ai pas (sourire). En ayant la garde cette charge mentale me revient de fait même si évidemment il y a beaucoup de choses à redire à ce sujet. Pour terminer, je dois aussi dire que j’ai parfois plus de temps pour moi quand ma fille pars en week-end chez son père, qu’une maman en couple qui souvent ne se permet pas ces temps pour elle ou pour son couple.

Aurais-tu un conseil pour une maman qui n’est plus heureuse dans sa relation mais qui a peur de se retrouver seule ?
La peur de la solitude est humaine, il n’est jamais agréable de devoir redémarrer à zéro et sortir de sa zone de confort. Mon conseil serait d’arrêter de se juger et d’embrasser cette solitude qui n’est probablement que temporaire. Il y a aussi des couples séparés qui continuent leur histoire en arrivant à créer une véritable co-parentalité, ce que je trouve admirable. Le bonheur de nos enfants fini toujours par penser nos plaies.

Le bonheur de nos enfants fini toujours par penser nos plaies.

Que peut-on te souhaitera meilleur aujourd’hui pour demain ?
Que ma fille reste en bonne santé et puisse évoluer dans une société où la charge mentale soit enfin un problème résolu. Il y a encore beaucoup à faire à ce sujet, pour nous les femmes, mamans solos ou en couple.


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