Un jour Mélissa a trouvé sa fille Léa, 3 ans, changée. Son langage n’était plus celui d’une enfant de son âge, elle s’était mise à battre des mains, et s’était repliée dans « sa bulle ». Après quelques examens, le verdict est tombé : Léa souffre de troubles autistiques. Un choc pour sa maman et toute la famille. A travers sa MotherStory, Mélissa souhaite prendre la parole pour aider toutes les familles confrontées à l’autisme, mais aussi pour Léa, et pour elle-même. Un témoignage d’amour et de force.
Cette story a été soutenue par l’école bilingue français-anglais La Découverte basée à Genève et Mies qui offre à ses élèves un environnement d’apprentissage actif.
Mélissa, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Mélissa, bientôt 34 ans. Je suis Suisse. Je travaille comme assistante socio-éducative de la petite enfance depuis 2010. Et, en parallèle, je suis créatrice d’articles pour bébés et enfants depuis 2018. Je suis maman de trois enfants : Luna 11 ans, Léa 5 ans et Enzo 2,5 ans.
Quand et comment as-tu remarqué les premiers signes d’autisme chez ta fille Léa ?
C’est en 2021 que j’ai vu les premiers changements de comportement de Léa. Elle a commencé à tourner en rond dans l’appartement, à faire du flapping, à battre des mains de manière répétitive. Elle a aussi commencé à faire des babillages et des bruitages, ce qui était inhabituel.
Quel a été le processus pour obtenir le diagnostic ? Comment as-tu réagi à l’annonce de l’autisme, surtout en étant enceinte de ton plus jeune enfant ?
Le diagnostic a été posé après avoir vu plusieurs médecins et spécialistes : le pédiatre d’abord, puis un neurologue, et un ORL. Nous avons ensuite fait un bilan au centre de l’autisme : là, Léa a fait plusieurs activités sur lesquelles elle a été notée. Puis, un dernier rendez-vous avec le neurologue a confirmé l’autisme de Léa.
Lorsque je l’ai appris, je me suis effondrée. Je pressentais qu’il s’agissait d’autisme car l’oncle de Léa est atteint d’autisme sévère. Au fond de moi, j’espérais que ses changements de comportement étaient causés par ma nouvelle grossesse. J’ai beaucoup culpabilisé en me demandant ce que j’avais mal fait ou n’avais pas fait. Mais finalement, je n’y étais pour rien. Les spécialistes m’ont expliqué l’existence d’un gène à l’origine de son trouble autistique.
Comment le diagnostic de Léa a-t-il affecté ses relations avec ses frères et sœurs, notamment avec sa grande sœur à qui elle est très attachée ?
Cela a été difficile pour sa grande sœur Luna. Si l’autisme de Léa ne se voyait pas sur son visage, on l’a perçu, en revanche, au niveau du langage, car Léa avait régressé, et au niveau du jeu, car elle est devenue plus solitaire.
Luna a eu du mal à comprendre pourquoi une distance s’installait entre elle et sa petite sœur. Nous lui avons expliqué qu’elle n’y était pour rien, que sa sœur ne l’aimait pas moins, mais seulement qu’elle avait besoin d’être dans sa bulle.
Peux-tu nous décrire une journée typique avec Léa ? Quels sont les défis que tu rencontres au quotidien ?
Léa a des journées presque semblables à celles d’autres enfants. Elle est scolarisée dans une école spécialisée, elle se lève vers 7h30. Selon sa nuit, son humeur peut être différente. Elle peut prendre ou non un petit-déjeuner, il peut y avoir des pleurs, elle peut aussi très bien mener sa petite vie, regarder un dessin animé…
Elle part à l’école à 8h10, un taxi l’emmène à l’école pour toute la matinée.
Elle rentre ensuite déjeuner. A table, elle peut avoir du mal à rester assise, se lever, revenir, repartir. Elle mange mais sélectionne énormément ses aliments, et peut ne rien manger si ça ne lui convient pas.
Ensuite, elle peut faire la sieste ou jouer dans sa chambre. Elle aime beaucoup les livres, et jouer avec ses peluches. L’après-midi, nous faisons aussi des activités et des sorties. Puis, il y a le dîner, et un moment de jeu avant le coucher.
Comment se passe la scolarité de Léa à l’école spécialisée ? Quels progrès as-tu observés, et comment se passe son intégration sociale ?
Léa va à l’école de Rovéréaz qui fait partie de la Fondation Verdeil. Cette école accueille uniquement des enfants autistes et les accompagne du 1P à la 8P. La scolarité est différente de celle des écoles classiques pour mieux correspondre aux besoins et avancées des enfants. Les matières sont adaptées, tout comme les horaires. Les frais de scolarité sont pris en charge par l’AI, nous ne payons rien.
Et tout se passe super bien ! Grâce à l’école, Léa a fait énormément de progrès. Notamment en langage car, au début de son autisme, elle avait régressé dans sa parole, et ne faisait plus de phrases pour s’exprimer. L’école lui a fait énormément de bien. Par exemple, avec les autres élèves, ils chantent beaucoup, ça l’encourage dans son langage.
Pour privilégier la parole, à la maison, je refuse l’usage de pictogrammes. Si elle veut quelque chose, j’essaye de la faire s’exprimer par la parole. Parfois, ça marche, parfois non… J’essaie de rester zen avec cela. Tout vient petit à petit…
L’école l’aide aussi énormément au niveau relationnel. Léa s’est rapprochée de son frère, elle est aussi plus tactile avec nous, et réclame plus souvent des câlins. C’est très positif !
Quel type de soutien médical et éducatif reçois-tu pour Léa ?
À part l’école spécialisée, nous n’avons presque aucun soutien. Depuis le diagnostic, nous sommes livrés à nous-mêmes. Nous devons, par exemple, chercher et trouver nous-mêmes un logopédiste (à titre privé), mais il y a tellement d’années d’attente que l’on cherche encore !
Heureusement à l’école, Léa en voit un ainsi qu’une psychomotricienne.
En termes de suivi médical, Léa voit sa pédiatre régulièrement, comme tout enfant en bas âge, mais n’a pas de suivi spécifique pour son autisme.
Quelles ressources ou aides administratives reçois-tu actuellement ?
En Suisse, il existe une indemnité pour impotent pour les enfants comme Léa. Cette indemnité est versée tous les 3 mois. Il y a aussi une aide financière pour les couches, jusqu’à sa propreté. Ce sont les deux aides financières que nous percevons.
Avant l’école, une aide à domicile venait une fois par semaine pendant 1 h pour jouer avec elle. Et aujourd’hui, l’école est prise en charge par l’AI.
Léa traverse des crises de pleurs et de rires. Comment gères-tu ces moments difficiles, et comment cela affecte-t-il ton moral ?
Au début, Léa a pu faire de grosses crises, à sauter, à se rouler par terre, à se « lancer » contre les murs. Mais depuis 1,5 mois, ces crises sont beaucoup moins fortes. Nous avons changé de nounou, et je pense qu’elle l’apaise énormément.
Lorsqu’une crise arrive, on ne sait pas toujours le pourquoi du comment. Alors, on fait ce que l’on peut en essayant de la rassurer, en lui proposant un câlin ou autre chose. Parfois, elle veut un câlin, parfois non. En s’interposant, on peut accroître ses pleurs, donc le mieux est de l’écouter et laisser passer.
Ses crises de rire, en revanche, me font plutôt rire. Là aussi, on laisse faire parce que se sont aussi des émotions à évacuer.
A l’école, la maîtresse l’aide à traverser ses crises en lui apprenant à souffler. La respiration aide à évacuer les émotions, le stress, les angoisses. A la maison, lorsque je sens qu’elle est en détresse, je le fais avec elle.
Les grosses crises sont très difficiles émotionnellement. Mon moral en prend un coup, c’est certain. Mais pour elle aussi, c’est difficile.
Comment vois-tu l’évolution de Léa ? Quels sont tes espoirs et tes attentes pour son avenir ?
Mon souhait le plus cher est que Léa puisse progresser dans son langage et s’épanouir d’un point de vue relationnel, notamment avec ses frère et sœur. Je lui souhaite de progresser comme les enfants de son âge. Et puis à terme, de pouvoir travailler et s’intégrer dans la société. Et, qui sait, peut-être qu’elle me fera la cadeau, dans plusieurs années, d’être grand-mère !
Malgré les défis, quels sont les moments positifs et joyeux que tu partages avec Léa ? Qu’est-ce qui te fait sourire ?
Les moments positifs, ce sont tous les moments où elle progresse dans son langage et formule des phrases. Par exemple, je lui ai appris à dire « je t’aime Maman ». Et ça, ça me fait tellement plaisir ! Il y a aussi les chansons dont elle arrive à dire les paroles. Il y a aussi les moments d’apprentissages, comme ses premières fois aux toilettes. Pour elle, c’est un sacré défi car son retard de langage retarde sa propreté. Les moments de réussite comptent beaucoup ! Et sans parler des câlins, ni des fois où elle vient s’asseoir sur mes genoux et me fait des baisers. Tous ces moments sont magiques !
Quel message aimerais-tu transmettre aux autres parents qui vivent une situation similaire ? Quels conseils ou encouragements pourrais-tu leur donner ?
Mon premier message aux parents est de ne pas culpabiliser ! C’est le réflexe en apprenant que son enfant est autiste, mais ce n’est pas notre faute.
Ensuite, il est important d’en parler librement, de rechercher du soutien, en parler avec la famille, les amis, des parents d’enfants autistes, des inconnus… Et de ne surtout pas se replier sur soi, ni être dans le déni. Car beaucoup de changements et d’épreuves se présenteront. Il faut donc être fort, et être préparé permet d’y faire face plus facilement.
Il faut aussi s’accorder des moments libres pour soi, mais aussi des moments de craquage et de lâcher-prise. C’est super important !
Tu as ouvert un compte Instagram pour parler de ton expérience. Comment cela t’aide-t-il et quel type de retour reçois-tu de ta communauté ?
J’ai ouvert le compte Instagram @autismemadifference pour porter le quotidien de Léa et de notre famille en images. Mon objectif est d’expliquer son autisme, ses progrès, de témoigner des événements de la vie, raconter les pleurs, les rires, les crises…
Pour l’instant, j’ai eu peu de retours d’autres parents. Mais, ce compte a pour vocation d’échanger et de discuter librement par écrit de l’autisme. Pour moi, écrire est plus facile pour exprimer ce que je ressens. Ce compte m’aide donc à poser mes émotions.
Partager cet article