MotherStory de Céline : entre douleur et résilience, vivre le deuil périnatal.

Céline a traversé une épreuve que beaucoup de parents redoutent : la perte d’un enfant. Aujourd’hui, elle souhaite témoigner pour briser le tabou autour du deuil périnatal, un sujet encore trop souvent mis de côté. À travers sa MotherStory, Céline espère apporter soutien et réconfort aux familles confrontées à cette réalité, en partageant les étapes de son propre cheminement. Son histoire reflète la résilience d’une mère qui, malgré la douleur, a créé des rituels pour préserver et honorer la mémoire de sa fille, Juline.

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Céline, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Céline, j’ai 39 ans et je suis maman de deux enfants issus d’une première union : une fille de 13 ans et un garçon de 10 ans. J’ai également vécu une fausse couche avant de tomber enceinte de Juline, ma quatrième grossesse. Aujourd’hui, je souhaite témoigner pour aider à briser le tabou autour du deuil périnatal, car c’est un sujet qui me touche profondément. Je travaille comme éducatrice spécialisée depuis 10 ans auprès d’enfants avec une déficience intellectuelle et/ou un trouble du spectre autistique.

Comment s’est passée ta 4e grossesse ?
Dès le début, j’ai senti que quelque chose n’allait pas. J’ai commencé à perdre du sang, ce qui m’a obligée à rester alitée pendant un mois. Les médecins ne comprenaient pas pourquoi. On m’a évoqué la possibilité que cela soit dû à une grossesse gémellaire. J’avais cette intuition que quelque chose n’allait pas. Physiquement, c’était très difficile, et mentalement, je portais cette angoisse sans réussir à l’exprimer.

À quel moment les complications ont-elles commencé à apparaître ? Avais-tu un pressentiment ?
Oui, ce pressentiment était là dès le début. Puis, lors de l’échographie morphologique, on nous a annoncé que cette grossesse était inquiétante. Juline avait des ventricules cérébraux trop grands. À ce moment-là, j’ai su. Même si les médecins nous demandaient d’attendre les résultats et de garder espoir, je me sentais déjà coupée en deux. Pour moi, Juline n’était déjà plus là.

Lorsque les médecins ont confirmé la présence de ventricules dans le cerveau de Juline, as-tu réellement compris ce que cela signifiait ?
Les médecins nous ont montré des schémas et nous ont expliqué qu’il y avait un risque élevé que Juline ait de lourdes séquelles. Ils parlaient d’attendre pour en savoir plus, mais dans ma tête, tout était déjà terminé. Je savais qu’elle ne survivrait pas ou que sa qualité de vie serait très compromise. C’était très dur à accepter, mais je le sentais profondément. Ce qui était compliqué, c’était d’attendre sans connaître l’issue.

Les médecins vous ont-ils laissé le choix de continuer ou de stopper la grossesse ?
Oui, c’était notre décision avec leur expertise. Mais en tant que parents, c’était à nous de la prendre. À 23 semaines, en plus, il y a eu une rupture de la membrane.

Dans quel état psychologique étais-tu à ce moment-là ?
J’étais dans un état de détresse totale. Je vivais entre le déni et l’angoisse. J’avais peur de la perdre et je n’en avais pas envie. Je pense aussi que je savais ce que cette décision allait impliquer pour notre famille. Malheureusement, je ne pouvais plus me projeter dans cette grossesse. J’étais épuisée physiquement et mentalement, et pour moi, trop d’éléments me faisaient penser que cela devait se terminer.

Prendre la décision d’interrompre la grossesse a dû être extrêmement difficile. Quel a été le déclic ?
Le déclic est venu lorsque les médecins nous ont dit que les ventricules de Juline continuaient d’augmenter et que la situation allait probablement empirer. De plus, cela laissait présager une naissance prématurée. Nous ne pouvions plus envisager une vie pour elle sans souffrance. Il a fallu que j’accepte cette réalité, même si cela me déchirait. Ce n’était plus une question de choix pour moi, mais d’acceptation de l’inévitable. Nous avons passé une semaine à l’hôpital à confirmer notre décision avec l’évaluation du corps médical des HUG.

À ce moment, vos proches étaient-ils au courant de la situation ? Avez-vous annoncé l’interruption à tes deux enfants ?
Oui, nos proches étaient au courant, mais c’était très difficile de l’annoncer à nos enfants. Mon fils espérait tellement avoir une petite sœur. Quand nous leur avons expliqué que Juline avait un problème, il a éclaté en sanglots. Plus tard, dans un moment de colère, il m’a même dit : « Tu t’en fiches, tu vas la tuer. » Ce sont des mots très durs à entendre, mais je savais que c’était sa manière d’exprimer sa tristesse et sa frustration. Nous avons beaucoup parlé avec eux pour les préparer, mais cela restait très difficile.

Comment s’est passé l’accouchement ?
L’accouchement a été déclenché le 9 janvier, à 24 semaines. Les médecins ont arrêté le cœur de Juline avant sa naissance, comme le prévoit le protocole pour une interruption médicale de grossesse. J’ai accouché par voie basse, mais il y a eu des complications. Le placenta ne voulait pas sortir, et j’ai perdu presque deux litres de sang. J’ai dû être opérée en urgence, et à ce moment-là, j’ai vraiment cru que j’allais mourir. Mon compagnon m’a confié plus tard qu’il avait également ressenti cette peur.

Une fois Juline arrivée, avez-vous pu passer du temps avec elle ?
Oui, après l’accouchement, nous avons pu passer du temps avec elle. Nous avions décidé de ne pas la voir immédiatement, le temps que les infirmières la préparent. Quand nous l’avons vue, elle portait les petits habits que nous avions choisis. Nous avons pris des photos, et ce moment, aussi difficile qu’il ait été, nous a permis de lui dire au revoir. C’était important pour nous de lui donner un prénom, Juline, et d’honorer sa mémoire avec des rituels, comme une boîte à souvenirs et un faire-part.

Comment s’est passée cette rencontre avec elle et qu’est-ce que cela a signifié pour toi ?
C’était un moment à la fois beau et déchirant. Voir Juline, même sans vie, m’a permis de réaliser pleinement qu’elle avait existé, qu’elle faisait partie de notre famille. Cela m’a apporté un certain apaisement, même si la douleur restait immense. C’était un adieu, mais aussi un moment où nous avons pu lui offrir notre amour.

Comment tes enfants ont-ils réagi à la perte de Juline et comment les as-tu accompagnés dans ce deuil familial ?
Mes deux enfants ont été très affectés. Mais nous avions créé des souvenirs avec elle lorsqu’elle était encore dans mon ventre : des photos, le choix de petits objets à lui déposer, ou encore écouter son cœur battre en famille. Nous avons toujours été transparents sur ce qui se passait, sans en faire un tabou. Encore aujourd’hui, nous parlons d’elle. Il leur arrive encore de dire qu’ils pensent souvent à Juline.

Est-ce que les rituels et souvenirs t’ont aidée, toi et ta famille, dans votre processus de deuil ?
Absolument. Les rituels comme les photos, la boîte à souvenirs, et les tatouages (une étoile pour chaque enfant) ont été très importants pour nous. Cela nous a permis de garder un lien avec Juline. À l’été 2023, nous avons emmené les cendres de Juline à la montagne, puis avons lâché des ballons dans le ciel. Cela a vraiment fait partie de notre processus de deuil en famille, et c’est une manière pour nous de l’inclure dans nos vies, même si elle n’est plus là physiquement.

Pendant cette période difficile, où as-tu trouvé du soutien, que ce soit auprès de professionnels, de groupes de parole ou de ton entourage ?
J’ai été suivie par la Professeure Martinez, cheffe de l’obstétrique aux HUG. Elle a été d’un grand soutien tout au long de cette épreuve. Lorsque je lui ai parlé de ma volonté de témoigner et d’ouvrir la discussion sur le deuil périnatal, elle m’a encouragée dans cette démarche. L’équipe périnatale des HUG a également été d’un grand accompagnement. Il est important pour moi que ce sujet gagne en visibilité et que d’autres parents ne se sentent pas seuls. J’ai aussi témoigné auprès de l’association Adessia lors de leur assemblée générale. Cela a été un défi, mais essentiel pour moi de partager mon expérience, autant pour faire avancer les choses que pour avancer personnellement. J’ai également partagé mon histoire avec des psychométriciennes qui ont fait leur mémoire sur le deuil périnatal.

Mon compagnon m’a soutenue, bien qu’il ait choisi de ne pas témoigner. Il m’a dit que si cela m’aidait, il était heureux pour moi. Il préfère rester en retrait car il n’a pas le même besoin de parler publiquement, mais il respecte totalement mon choix. En dehors de cela, nous avons trouvé un précieux soutien dans les groupes de parole et le suivi psychologique. Nos familles et amis ont également été présents, même si, parfois, ils avaient du mal à comprendre ce que nous traversions.

Deux années se sont écoulées depuis que Juline est partie. Aimeriez-vous avoir un autre enfant ?
Aujourd’hui, je ne peux toujours pas répondre à cette question, et nous n’en parlons pas avec mon compagnon. Cela a été tellement difficile que j’ai très peur que cela recommence.

Comment te sens-tu aujourd’hui, Céline (physiquement et émotionnellement) ?
Physiquement, je n’ai plus de vertiges, je me sens moins fatiguée, mais j’ai encore le poids que j’ai pris lors de la grossesse de Juline. Émotionnellement, j’ai hésité à poursuivre ce témoignage, car je n’avais pas forcément envie de revivre tout ce parcours. J’ai le sentiment d’avoir franchi différentes étapes dans mon deuil. Maintenant que je vais mieux, je profite de ma vie tout en gardant le souvenir de Juline avec moi. Ma vie continue, d’une manière ou d’une autre, avec elle.

Ton message à d’autres parents vivant cette épreuve ?
Écoutez-vous ! N’oubliez pas que chacun avance à son propre rythme. Faites ce qui vous semble juste pour vous ! Créez vos souvenirs !

Céline, que peut-on te souhaiter de meilleur aujourd’hui pour demain ?
Nous avons déjà vécu de belles choses, comme notre mariage, qui était très important pour nous, afin de continuer à avancer ensemble. Au fond de moi, je souhaite probablement une nouvelle grossesse sereine.