Elodie n’avait pas imaginé accueillir son premier enfant en étant atteinte d’un cancer du sein. C’est pourtant avec la maladie qu’elle a fait l’expérience de la maternité. Devenir maman, se soigner, et offrir toute l’attention nécessaire à son nouveau-né n’ont pas été faciles. Aujourd’hui guérie, Elodie ressent le manque d’une maternité heureuse et plus légère. A travers son témoignage, elle exprime ses regrets et sa culpabilité de ne pas avoir pu donner le meilleur à son bébé, mais elle souhaite surtout apporter son soutien à toutes les femmes qui traversent la même épreuve.
Cette story a été soutenue par ETAM, une marque française emblématique de lingerie et prêt-à-porter féminin, reconnue pour allier élégance, confort et modernité depuis plus d’un siècle.
Élodie, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Elodie, j’ai bientôt 34 ans. Je suis éducatrice. J’ai travaillé dans un foyer pour adolescent, en crèche et, depuis trois ans et demi, je suis en foyer petite enfance. Actuellement, je fais un CAS (Certificate of Advanced Studies) en périnatalité et petite enfance, une thématique qui me passionne.
J’ai un petit garçon âgé de cinq ans et demi. Je vis avec son papa, nous sommes en couple depuis douze ans.
Comment et à quel moment as-tu su que quelque chose n’allait pas ?
Au cinquième mois de grossesse, j’ai senti une boule dans ma poitrine. J’en ai parlé à mon gynécologue qui ne s’est pas inquiété, et mettait cela sur le compte de la lactation. Il ne m’a ni palpé, ni auscultée. Je lui ai fait confiance, et j’ai poursuivi ma grossesse. Même si je sentais cette boule dans ma poitrine, je l’ai mise de côté, je n’y pensais pas trop.
C’est après mon accouchement, à la maternité, que j’ai trouvé qu’elle avait beaucoup grossi. J’ai alors demandé à être auscultée et j’ai obtenu un rendez-vous un mois après mon retour à la maison. En sortant de la maternité, j’étais naturellement très focus son mon bébé, je l’allaitais, et je ne me doutais pas de ce qui m’attendait. Puis, c’est la sage-femme qui me rendait visite à domicile qui m’a conseillé de prendre rendez-vous plus rapidement, cette boule ne lui plaisait pas. J’ai alors pu avoir un rendez-vous deux semaines plus tôt.
Quelle a été ta première réaction lorsque le diagnostic a été posé ? L’as-tu gardé pour toi, l’as-tu partagé tout de suite avec ton entourage ? Que s’est-il passé dans ta tête ?
Après le rendez-vous, mon gynécologue m’a très rapidement envoyée faire une biopsie puis une mammographie, mais j’étais encore dans le déni. Le diagnostic est tombé lorsqu’il m’a appelé, en sortant de la mammographie. Il avait déjà le résultat de la biopsie et m’a dit que j’avais un cancer du sein. Il m’a aussi dit que cela se soignait bien, mais sans plus.
Nous étions un vendredi, je suis rentrée chez moi avec un autre rendez-vous programmé le mardi suivant. A ce moment, je n’ai pas parlé de cancer à ma famille. Je pense que je n’avais pas véritablement entendu le diagnostic, j’étais dans le déni.
Pour moi, le vrai diagnostic a été posé lorsque j’ai rencontré le sénologue. Il m’a clairement expliqué que la tumeur était maligne, et où elle se localisait, à l’aide de dessins. J’étais avec ma maman, et mon conjoint était avec notre fils dans la salle d’attente.
J’ai rapidement partagé ce diagnostic avec mon entourage très proche, mon conjoint, mes parents et ma sœur. Mais, j’ai mis plus de temps avec mes amis, le temps de digérer un peu la nouvelle. Et peu à peu, c’est devenu un tsunami dans ma tête, une avalanche de questionnements, dont « Comment vais-je gérer avec mon petit bout ? »
Et au-delà du diagnostic, ce qui a également été très compliqué pour moi, ce fut de devoir arrêter subitement l’allaitement. En sortant de ce rendez-vous de diagnostic. J’ai trouvé cela vraiment très dur.
Comment as-tu navigué entre la joie d’être maman, l’inquiétude pour ta santé et ton post-partum, qui est un moment délicat dans la maternité ?
J’ai l’impression d’avoir profité de mon bébé dans les moments où je me sentais bien. Hormis la fatigue, j’ai eu la chance d’avoir peu d’effets secondaires de la chimiothérapie. Mon fils m’a donné la force de me battre, d’aller de l’avant. Avec lui, c’était la vie qui était là, devant moi. Et je n’avais pas d’autre option que d’avancer. Mais, j’ai aussi le sentiment d’avoir manqué des moments, d’avoir été moins présente physiquement et mentalement parce que j’étais inquiète pour moi.
Globalement, il est certain que je n’ai pas vécu le post-partum que j’avais imaginé. Mais peut-on vraiment imaginer son post-partum, tant cette période est délicate et représente un chamboulement ? C’est vrai qu’avec un cancer du sein, le chamboulement a été plus intense que prévu. Enfin, comme dit précédemment, devoir arrêter l’allaitement m’a aussi vraiment coûté.
Selon toi, les examens et traitements médicaux ont-ils impacté ton lien avec ton bébé ?
Non, je ne pense pas. Je pense que c’est plutôt l’inquiétude que j’ai ressentie à cause de la maladie qui a pu faire vivre un stress à mon fils, et qu’aujourd’hui, c’est ce qui impacte notre lien. Notre relation peut être parfois un peu conflictuelle, mon fils peut me tester, comme pour vérifier que je suis « bien là » et capable. Pour gérer cela, nous nous faisons accompagner.
Avec la chimiothérapie, tu as dû arrêter l’allaitement. Peux-tu nous en dire plus sur ton vécu ?
Comme évoqué, ce fut un moment très compliqué, si soudain, si immédiat, et sans aucune préparation. J’ai essayé de négocier un peu, au début de la chimiothérapie, le temps d’une transition douce au biberon, mais ça n’était pas négociable. Physiquement, c’était compliqué car mes seins étaient douloureux du fait de la lactation. Et émotionnellement, ça a été très difficile, j’ai encore du mal à mettre des mots sur l’émotion. J’ai trouvé vraiment difficile de devoir accepter que je ne puisse pas donner le meilleur de moi-même à mon bébé. L’allaitement me tenait énormément à cœur, je l’avais toujours dit, pour moi, l’allaitement c’est magique.
Aujourd’hui, après bientôt à 5 ans d’hormonothérapie, es-tu guérie ?
Je terminerai ma cinquième année l’année prochaine, mais oui, on peut dire que je suis guérie. Le terme de rémission a été prononcé il y a un an. Qu’un médecin le verbalise m’a permis de me sentir en rémission. En pratique, les examens médicaux réguliers montrent qu’il n’y a plus de maladie. C’est rassurant… mais faire des examens régulièrement m’empêche de me sentir totalement sereine, j’ai l’impression de vivre avec une épée de Damoclès sur la tête, et que la maladie peut revenir à tout moment.
Dans cette rémission, j’ai vécu plusieurs stades. Avec notamment un gros contrecoup l’année dernière, en réalisant tout ce que j’avais vécu, tout ce par quoi j’étais passée, depuis la naissance de mon fils et l’annonce de mon cancer. Pendant les traitements, j’avais la tête dans le guidon, je me soignais et m’occupais de mon bébé, sans avoir véritablement eu, ou pris, le temps de réaliser. Et l’année dernière, j’ai réalisé ! J’ai frôlé la mort, clairement.
J’ai aussi eu une phase de grosse colère et d’incompréhension. J’ai eu des douleurs physiques du fait de l’hormonothérapie, et ce n’est pas anodin. Et même si, lors de l’hormonothérapie, le pire est passé, ça reste une étape difficile. Aujourd’hui, j’ai repris mon travail, et l’hormonothérapie me fatigue au quotidien, me cause des douleurs, et c’est compliqué à gérer.
Et, enfin, je dirais qu’il y a encore une phase, celle de l’acceptation du traitement dans la durée. J’attends donc avec impatience l’année prochaine, la fin du traitement, pour retrouver un peu de normalité, retrouver mon corps, me retrouver.
Finalement, comment la maladie a-t-elle bouleversé ta vie de mère ? Et comment t’es-tu adaptée ?
La maladie a clairement bouleversé ma vie de mère parce qu’avec mon traitement, je n’étais pas 100 % disponible pour mon bébé. Je n’ai pas le sentiment d’avoir vécu ni profité de ma maternité autant que je l’aurais voulu. Paradoxalement, j’ai quand même été présente pour mon fils, en restant à la maison plus longtemps qu’avec un congé maternité classique. Mais voilà, j’ai l’impression d’avoir manqué ses premiers mois. Même si je me suis rattrapée à la fin des traitements parce que j’étais plus en forme, je ressens malgré tout un manque dans le vécu de ma maternité.
J’ai dû m’adapter, c’est certain, tout comme mon fils s’est aussi adapté. Il a notamment très vite fait ses nuits, il était un bébé très calme.
Après ton opération du sein, comment ta relation à ton corps a-t-elle évolué ?
Au début, elle a été très compliquée. J’ai eu énormément de douleurs à la poitrine. Je n’ai pas eu besoin de mastectomie, on m’a « juste » retiré la tumeur. J’ai donc des cicatrices, et c’est douloureux. Et visuellement, je vois une différence entre mes deux seins, ça n’est pas facile à accepter. Un autre sujet difficile, c’est qu’avec l’hormonothérapie, je suis sous ménopause artificielle. J’ai hâte que cette phase du traitement se termine pour retrouver mon corps de femme.
Durant la maladie et le traitement, auprès de qui as-tu trouvé du soutien ? Qu’est-ce qui t’a donné la force de te battre durant le traitement ?
Ma famille et mes proches m’ont énormément soutenue. Mon conjoint a été parfait ! Et mon fils m’a donné toute l’énergie nécessaire pour me battre.
Lors des traitements, je me suis renfermée sur moi-même, mais j’ai aussi recherché du soutien sur les réseaux sociaux, notamment dans un groupe Facebook et sur Instagram. Cela m’a beaucoup aidée.
D’un point de vue plus pratique, j’ai eu un soutien financier par la Ligue Suisse contre le cancer, ce qui m’a aussi beaucoup soulagée parce que c’est un aspect qui n’est pas simple.
A l’issue des traitements, j’ai eu davantage besoin de partager avec des gens, notamment en participant à des cours et des groupes de parole proposés par la Ligue Suisse contre le cancer, ou encore par le Centre Otium (un centre de soutien intégratif contre le cancer – Genève). Aujourd’hui encore cela m’aide, j’y vais quand je peux, j’y ai créé des liens importants.
As-tu expliqué à ton fils, aujourd’hui âgé de 5 ans, ce qui t’est arrivé ?
Oui, mon fils sait que j’ai été malade. Je lui en parle, on regarde parfois des photos. Il sait aussi que je suis guérie, et que j’ai régulièrement des examens de contrôle. Mais je ne prononce pas le mot « cancer » parce que c’est un mot qui fait peur, et que j’ai envie de lui laisser un peu d’innocence si je puis dire.
Comment envisages-tu la maternité aujourd’hui ? Aimerais-tu avoir d’autres enfants ? As-tu congelé tes ovocytes avant le début du traitement ?
Avec mon fils, d’une part, je ressens le besoin de soigner, de réparer ce qu’il a pu vivre pendant ma maladie. Et je ressens ce besoin également avec moi-même. Et pour cela, nous nous faisons aider.
D’autre part, oui, j’aimerais beaucoup avoir d’autres enfants. Avec mon conjoint, nous espérons avoir un deuxième enfant. Mais la maladie a été une épreuve pour notre couple. On peut dire que l’on s’est retrouvés récemment, nous passons plus de temps à deux, ça va mieux.
Et oui, j’ai congelé mes ovocytes, juste avant la chimiothérapie. Je l’ai fait dans l’idée d’avoir d’autres enfants par la suite. J’espère que cela arrivera naturellement, mais on ne sait jamais.
Quel conseil donnerais-tu aux femmes qui traversent la même épreuve ?
De ne pas rester seule ! Solliciter vos proches, ou si c’est trop difficile avec vos proches, allez voir sur les réseaux sociaux, ou des centres comme Otium. N’hésitez pas à faire appel à ces personnes qui sont plus que bienveillantes, et dont le soutien est inestimable.
Aurais-tu un message à faire passer à l’occasion d’Octobre Rose ?
Je le redis, mais on n’est pas seule. Malheureusement, on est pas seule… Le rappeler permet de favoriser le soutien mutuel. Je souhaite sincèrement soutenir les femmes qui connaissent actuellement la maladie. Je suis disponible pour partager mon parcours avec celles qui recherchent du soutien.
Mon message, c’est donc : « faisons preuve de soutien et de bienveillance, et prenons soin de nous ».
Élodie, que peut-on te souhaiter de meilleur aujourd’hui pour demain ?
Même si mon fils est déjà le plus beau des cadeaux, j’aimerais un autre « plus beau des cadeaux ». Agrandir notre famille serait l’aboutissement d’un rêve, et offrir une fratrie à mon fils me tient à cœur. J’aimerais, par la suite, trouver un équilibre de vie en combinant ma vie de famille avec mon travail qui est encore un peu difficile à gérer.
Mais aujourd’hui, je pense avoir tout pour pouvoir aller de l’avant et être heureuse !
Partager cet article