La nutrition est un sujet vaste et complexe qui nous concerne toutes et tous sans exception et ce, dès la naissance. Est-ce que mon enfant peut être allergique au lait maternel ? Quand commencer la diversification alimentaire ? Quelles sont les nouvelles recommandations de l’OMS ? Comment faire la différence entre un caprice et un trouble du comportement ? Que faire si mon enfant refuse de manger ? Pour nous aider à répondre à toutes ces questions et inquiétudes de nombreux parents, nous avons fait appel à l’expertise du Dre Cruzado, pédiatre spécialisée dans la nutrition et l’obésité de l’enfant et de l’adolescent.
Dre Cruzado, pouvez-vous vous présentez en quelques mots ?
Je suis pédiatre et maman de deux garçons qui sont grands maintenant (sourire). Je suis installée dans un cabinet à Florissant avec deux autres collègues, je fais des gardes de néonatologie à la Clinique Générale-Beaulieu et aux Grangettes et, depuis février 2023, je propose des consultations de nutrition pédiatrique au Centre Médical des Eaux-Vives ciblant les enfants du plus jeune âge jusqu’à leur 16 ans.
Quelles sont vos spécialités ?
La première est la néonatologie. Je m’occupe de la prise en charge des nouveaux nés en salle d’accouchement tout particulièrement s’ils nécessitent une réanimation à la naissance ou s’ils sont nés par césarienne. La seconde est la nutrition pédiatrique. Je prends en charge des enfants qui ont des problèmes de poids, qui suivent un régime spécial ou qui ont un trouble du comportement alimentaire.
Quelles sont les principales préoccupations des parents en lien avec la nutrition ?
Les parents veulent avant tout s’assurer que leur enfant suit une courbe de croissance normale et que son régime alimentaire est adapté, varié et équilibré afin d’éviter toute carence. Ils viennent également me voir s’ils remarquent des anomalies dans la courbe de croissance pondérale comme une prise ou une perte de poids qui pourraient être à l’origine d’un trouble du comportement alimentaire, d’infections à répétition (ex : otite) ou d’un problème du développement psychomoteur (ex : retard du langage).
Qu’est-ce que la diversification alimentaire ?
La diversification alimentaire est l’introduction dans l’alimentation de l’enfant d’un autre aliment que le lait maternel (fruits, légumes, poisson, viande…). Elle va lui permettre de découvrir de nouvelles saveurs et textures ; de lui apprendre la mastication grâce à l’introduction de fibres ; de modifier son microbiote avec un effet bénéfique sur sa santé et, enfin, d’acquérir une tolérance alimentaire limitant le risque de futures intolérances ou allergies. Pour les parents, la diversification alimentaire est une étape importante car elle est le témoin du développement de leur enfant.
A quel âge commencer ?
Que le nourrisson soit allaité au sein ou au biberon, la diversification alimentaire devrait débuter à partir de 4 mois et avant 6 mois. Il a été démontré que l’introduction précoce d’aliments à forts potentiels allergisants comme les œufs, le poisson, les fruits à coques ou les arachides réduit le risque de développer des allergies par la suite d’où l’importance de respecter cette fenêtre. Durant sa première année, l’enfant est curieux et a envie de goûter à tout, il est dans une période appelée néophobie. A l’inverse, la néophibie est un enfant qui manifeste une peur ou une aversion envers les nouveaux aliments ou les aliments inconnus. Ce comportement est fréquent en particulier pendant la petite enfance (entre 1 et 3 ans).
Quelles sont les nouvelles recommandations de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) ?
L’OMS conseille un allaitement exclusif jusqu’à 6 mois. Cette durée est justifiée dans les pays en voie de développement où le risque d’infection est supérieur au risque allergique. Dans les pays développés, à l’inverse, c’est le risque allergique qui est plus important d’où l’importance de commencer la diversification entre 4 et 6 mois sans oublier d’introduire des aliments à forts potentiels allergisants, même en petite quantité et de façon régulière.
Quelle est la différence entre la diversification classique et la DME ?
La diversification classique et la DME (Diversification Menée par l’Enfant) sont deux approches différentes pour introduire des aliments solides à un bébé. Voici les principales différences entre les deux méthodes :
- Introduction des aliments : dans la diversification classique, les aliments solides sont introduits progressivement sous forme de purées ou de compotes, habituellement à l’aide d’une cuillère. Les aliments sont préalablement cuits, mixés et offerts à l’enfant. En revanche, la DME consiste à offrir des aliments solides directement à l’enfant, sans les réduire en purée. Le bébé est encouragé à se servir lui-même et à explorer les aliments en les tenant et en les mâchant.
- Développement des compétences : la diversification classique met l’accent sur le développement des compétences d’avaler et de mastiquer à mesure que le bébé progresse dans sa consommation d’aliments solides. La DME, quant à elle, encourage le développement de l’autonomie alimentaire du bébé, en lui permettant de gérer les textures et les quantités à sa propre vitesse.
- Aliments adaptés : dans la diversification classique, certains aliments peuvent nécessiter une préparation spécifique pour être consommés par le bébé, comme la cuisson et le mixage. Les aliments sont souvent présentés de manière plus lisse et sans morceaux. En revanche, avec la DME, l’enfant peut commencer à explorer une plus grande variété d’aliments dès le début, en tenant compte de la sécurité et de la facilité de préhension. Les aliments sont offerts sous forme de morceaux ou de bâtonnets adaptés à la capacité de mastication du bébé.
- Avancement de la consommation : dans la diversification classique, les purées et les textures lisses sont généralement introduites en premier, puis progressivement évoluent vers des textures plus épaisses et des aliments en morceaux. Avec la DME, les aliments solides sont introduits dès le début et l’enfant est encouragé à mâcher et à gérer les aliments en morceaux dès qu’il est prêt.
Quelle méthode préconisez-vous ?
Personnellement, je préfère une diversification classique qui marche très bien si on respecte la séquence d’introduire en premier des aliments lisses puis moulinés avant d’introduire les morceaux à partir de 10 mois. Avec la diversification classique, les parents ont plus de contrôle sur ce que mange leur enfant tandis qu’avec la DME, un peu comme dans un « self-service », l’enfant peut choisir les aliments qu’il préfère ce qui augmente le risque potentiel de développer des carences dû à un apport calorique insuffisant.
Quels sont vos conseils pour un enfant qui refuse de manger ?
Avant tout, il ne faut pas baisser les bras et être un peu créatif (sourire). Avant de considérer que l’enfant n’aime pas un aliment, il faut lui avoir proposé au moins dix fois. La plupart du temps, il finit par l’accepter avant. Il peut être judicieux de mélanger l’aliment problématique en petite quantité avec ceux que l’enfant aime et accepte. Mais le plus important reste l’environnement dans lequel l’enfant va manger. Quel que soit son âge, il doit être bien installé, dans les bras d’un adulte ou sur une chaise haute, pieds posés et dos appuyé. Les parents doivent montrer l’exemple en mangeant les mêmes aliments, dans une ambiance calme et chaleureuse, loin de toutes distractions (écrans, jouets…). Il faut développer la curiosité de l’enfant pour l’alimentation en lui lisant des livres sur le sujet, en le faisant participer à la préparation des plats, au jardinage, en l’amenant au marché etc. Dans tous les cas, il ne faut pas forcer un enfant qui ne veut pas manger.
A quel moment un refus de manger est-il considéré comme un trouble du comportement alimentaire ?
Il existe des pathologies mais qui sont quand même assez rares comme un problème anatomique ou une maladie digestive. Plus fréquemment, on peut constater à la suite d’un événement souvent banal (déménagement, infection virale, changement de garde), que l’enfant s’arrête de manger. On parle alors d’anorexie d’opposition. Plus les parents s’inquiètent, plus ils vont donner de l’attention à leur enfant, moins l’enfant va manger et plus les parents vont faire du forcing alimentaire… un cercle sans fin. Si cela arrive, il ne faut pas contraindre l’enfant à manger ; ne pas lui proposer d’aliments en dehors des 4 repas habituels ; le mettre à table avec le reste de la famille ; mettre des petites quantités dans son assiette ; ne pas lui offrir de jeux ou de récompenses et faire preuve de patience. Si toutefois, après un certain temps, l’enfant refuse toujours de manger, il faudra en parler au pédiatre et envisager d’autres solutions.
Comment et quand déceler une allergie ou une intolérance ?
Déceler une allergie ou une intolérance chez un enfant peut être crucial pour sa santé et son bien-être.
Comment :
- Surveillance des symptômes : soyez attentif aux signes et symptômes qui pourraient indiquer une réaction allergique ou une intolérance. Ces symptômes peuvent varier en fonction du type d’allergène ou d’intolérance, mais ils incluent souvent des éruptions cutanées, des démangeaisons, des troubles gastro-intestinaux (comme des douleurs abdominales, des vomissements, des diarrhées), des difficultés respiratoires, ou même des comportements inhabituels.
- Journal alimentaire : tenez un journal alimentaire pour suivre les repas de votre enfant et les symptômes qui surviennent ensuite. Cela peut vous aider à repérer des corrélations entre certains aliments et les réactions indésirables.
- Consultez un professionnel de la santé : si vous soupçonnez une allergie ou une intolérance, consultez un médecin ou un allergologue. Ils peuvent effectuer des tests spécifiques tels que des tests cutanés, des tests sanguins (dosage des anticorps IgE spécifiques), ou des tests d’élimination contrôlée pour identifier les déclencheurs potentiels.
Quand :
- Lors de l’introduction d’aliments solides.
- En cas d’antécédents familiaux d’allergies.
- Après des réactions antérieures à certains aliments.
- Si des changements comportementaux surviennent.
L’enfant peut-il être intolérant ou allergique au lait maternel ?
Oui, il est possible pour un enfant d’être intolérant ou allergique au lait maternel, bien que cela soit extrêmement rare. Une intolérance peut survenir si l’enfant a des difficultés à digérer certains composants du lait maternel, tels que le lactose. Cela peut provoquer des symptômes gastro-intestinaux (gaz, ballonnements, diarrhée légère, inconfort abdominal). Cependant, ces symptômes sont généralement temporaires et ne représentent pas une véritable allergie.
Une allergie au lait maternel est encore plus rare. Elle survient lorsque le système immunitaire de l’enfant réagit de manière excessive à certaines protéines présentes dans le lait maternel. Les symptômes peuvent varier, allant des éruptions cutanées aux problèmes respiratoires et digestifs plus graves.
Dans la plupart des cas, les symptômes d’intolérance ou d’allergie chez un nourrisson sont en lien avec l’alimentation de la maman. Dans le cas d’une intolérance aux protéines du lait de vache, la maman devra arrêter de consommer des produits laitiers à base de lait de vache.
Quels sont les symptômes d’une allergie aux protéines du lait de vache chez l’enfant ?
Un enfant qui pleure fréquemment, souffre de coliques, ne prend pas de poids, vomit ou présente un eczéma sévère peut potentiellement être allergique aux protéines du lait de vache. Dans ce cas, il pourrait être nécessaire de substituer le lait en poudre par un lait spécial. Si la mère allaite, elle devra arrêter de consommer des produits laitiers à base de lait de vache et prendre des suppléments de calcium.
Faut-il continuer à donner du lait en poudre ou de vache après l’âge d’un an ?
Les spécialistes conseillent de donner du lait de croissance aux enfants jusqu’à l’âge de 3 ans, car il renferme non seulement des acides gras, mais également du fer et des vitamines. Le fer est essentiel pour favoriser le développement cognitif. Le lait de croissance est plus nutritif et complet que le lait de vache.
Et pour un enfant qui boit du lait végétal ?
L’expression « lait végétal » est un peu trompeuse car le lait provient normalement des mammifères (sourire). Les laits végétaux ne sont généralement pas adaptés pour les enfants et il vaut mieux éviter d’en donner. Si un enfant a une allergie aux protéines du lait de vache, il existe des préparations pour nourrissons spécialement conçues. Certaines sont à base de protéines hydrolysées, ce qui diminue le risque d’allergies, tandis que d’autres sont à base de riz et contiennent toutes les vitamines nécessaires pour les enfants.
Auriez-vous un message à l’attention des parents ?
Chaque enfant est unique ! Certains ont un appétit généreux, tandis que d’autres grignotent ; présentent une corpulence robuste ou une allure plutôt élancée d’où l’importance de prendre en compte la morphologie des parents et la relation qu’eux ont et ont eu avec la nourriture. Si votre enfant suit une courbe de croissance plus ou moins constante, il n’y a rien à signaler. Le plus important est qu’il prenne plaisir à être à table. A vous de susciter son intérêt, d’éveiller sa curiosité et d’affiner son palais. N’hésitez pas à le faire goûter à tout ; l’inclure dans la préparation des plats mais surtout et avant tout, à lui montrer l’exemple en prenant vous-même plaisir à manger !
Pour plus d’informations sur la diversification alimentaire ou tout autre sujet lié à la nutrition, prenez rendez-vous directement avec le Dr. Cruzado. Elle consulte au Centre Médical Eaux-Vives Gare tous les mercredis de 14h30 à 17h00. Elle saura vous conseiller et accompagner votre enfant selon ses besoins.
Dr méd. Dounia Cruzado
Spécialiste FMH en pédiatrie
Diplôme Universitaire Nutrition et Obésité de l’enfant et adolescent
Centre Médical Eaux-Vives
Av. de la Gare des Eaux-Vives 3, 1207 Genève
www.swissmedical.net
cabinet.dr.cruzado@eaux-vives.com
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