Résilience maternelle : affronter et surmonter le deuil périnatal.

Nous sommes convaincues qu’il est impératif de lever les tabous qui entourent la maternité. Grâce à vos témoignages, vous offrez un soutien précieux à toutes les femmes qui traversent ou ont traversé une épreuve similaire sans oser en parler. Merci pour elles, merci à vous.

Fond rose avec Sharing is Caring écrit dessus

Témoignage dAnne

Le 8 février 2022 est une date que je ne n’oublierai jamais.

Chaque année, je célèbre l’ajout d’une bougie sur mon gâteau d’anniversaire, mais cette fois-là, j’apprends également que je suis enceinte. Cette grossesse, imprévue alors que je suis déjà maman de trois enfants, me surprend énormément.

Je me rappelle avoir versé des larmes de joie mais aussi de peur. L’arrivée d’un bébé surprise n’est pas anodine. Mon mari est tout aussi surpris, et nous avons besoin de temps pour accepter cette nouvelle. Nous prenons rendez-vous chez le gynécologue pour quelques semaines plus tard, des semaines qui s’avèrent être les plus longues et les plus éprouvantes. Les symptômes de grossesse commencent rapidement à se manifester intensément. Je souffre de vomissements terribles, jour et nuit, une première pour moi malgré mes précédentes grossesses. L’idée d’attendre des jumeaux me vient alors à l’esprit, et je décide d’avancer mon rendez-vous chez le gynécologue.

Le jour J confirme mes soupçons : je suis enceinte de jumeaux. C’est un choc, surtout que le médecin m’avertit qu’il est possible que l’un des deux cœurs cesse de battre avant la prochaine échographie. Nous choisissons donc d’attendre un peu avant d’annoncer cette nouvelle extraordinaire.

Le prochain contrôle est l’échographie des 3 mois. Ayant eu un contrôle une semaine avant, je suis confiante donc je m’y rends seule. Ce rendez-vous marque le début d’un parcours douloureux. Jamais je ne pourrai oublier cet instant. Devant l’écran, mon médecin prend les mesures. Tout va bien pour le premier bébé, mais rapidement, je sens que quelque chose ne va pas avec le second. Mon intuition est juste : la nuque du deuxième bébé présente des anomalies. Seule dans cette salle, sans mon mari, je suis submergée par l’émotion. Les souvenirs de mes cris et des questions sans réponses me hantent. Des examens supplémentaires sont nécessaires, et un rendez-vous est fixé chez DianEcho quelques jours plus tard.

La tristesse et l’inquiétude dominent. Nous nous sentons démunis mais choisissons de ne rien montrer à nos enfants pour ne pas les inquiéter, d’autant plus qu’ils ignorent encore l’agrandissement de la famille. Mon mari et moi décidons de garder le secret pour l’instant.

L’amniocentèse est la prochaine étape, réalisée relativement tard en raison des risques associés à une grossesse gémellaire. Le bébé présentant des anomalies est mal placé et souffre déjà d’un manque de liquide amniotique, ce qui rend l’examen trop risqué pour lui. L’amniocentèse est donc pratiquée uniquement sur l’autre bébé.

Nous apprenons rapidement que le bébé présentant des anomalies ne sera pas viable et pourrait décéder dans les semaines à venir, mais la grossesse peut se poursuivre si les examens du premier bébé sont bons. Nous sommes au mois de mai et je suis déjà enceinte de plus de 16 SA. L’attente est insupportable.

Les premiers résultats, enfin, sont bons. Notre bébé est sain, mais il faut encore attendre plusieurs jours pour confirmation. Nous continuons de cacher ma grossesse à nos enfants, une décision difficile mais prise pour les protéger.

Finalement, vers la 18e semaine d’aménorrhée, lorsque tous les résultats sont confirmés positifs, nous leur annonçons la nouvelle. Nous leur expliquons que j’étais enceinte d’un bébé et que nous avons dû attendre avant de leur dire en raison des examens nécessaires. Nous choisissons de ne pas leur parler du deuxième bébé, sachant que sa survie était improbable.

L’échographie morphologique est arrivée, et c’est avec le ventre noué que nous sommes allés à ce rendez-vous. Le médecin nous a très rapidement annoncé que le cœur du bébé malade s’était arrêté, probablement un ou deux jours auparavant. Cette annonce a été difficile mais a également apporté un soulagement. Ma plus grande crainte était de le sentir bouger avant qu’il ne meure, ce qui aurait rendu la situation encore plus difficile à vivre et à accepter. Mais le plus dur restait à venir : porter un bébé mort à côté d’un bébé qui grandissait. Ce furent les 17 semaines les plus compliquées de ma vie. Oui, j’ai porté la vie et la mort, en même temps. Chaque matin était un défi. Comment avancer et profiter de cette dernière grossesse dans ces conditions ? Malgré tout l’amour et le soutien que j’ai reçus de mes proches, je me suis sentie très seule, perdue dans un monde que je n’avais pas choisi de connaître.

J’étais convaincue que l’accouchement apaiserait en partie mon mal-être. Cela a été une sorte de moteur pour moi, afin de continuer cette grossesse du mieux possible. L’accouchement est survenu avec trois semaines d’avance, par césarienne un peu en urgence, mais qui, finalement, s’est bien déroulé. Je me souviens d’avoir eu une sage-femme merveilleuse qui est restée avec moi en salle de réveil, me permettant de profiter de mon bébé dès sa naissance. Je m’étais préparée à voir le deuxième petit bébé, mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Je l’ai vu en photo, puis plus rien pendant un an. Ce fut une période très difficile pour moi, partagée entre la joie et la tristesse. Puis, les mois ont passé à toute vitesse et ont peu à peu apaisé mon cœur. Quelques jours avant le premier anniversaire de mon bébé, j’ai décidé d’aller chercher la photo du bébé décédé. J’avais besoin de la revoir, et j’ai bien fait. Cela m’a fait du bien et m’a permis de comprendre certaines choses. Depuis, je vais mieux. C’est comme si la blessure s’était refermée. Il reste une cicatrice, mais avec le temps, elle devient moins douloureuse.

Quelques mois après mon accouchement, nous avons raconté à nos enfants ce qui s’était passé. Nous avions peur de leur réaction, mais, au contraire, ils ont très bien réagi, et ce fut un soulagement pour nous de pouvoir partager notre histoire, celle de notre famille.

Depuis plusieurs mois, j’avais à cœur de témoigner, mais je me suis rapidement aperçue que cela n’était pas si facile. Retranscrire mon histoire est une tâche compliquée. Les émotions prennent le dessus. Par moments, j’ai eu l’impression de revivre tout ça. Heureusement, J’ai eu la chance d’être soutenue par deux amies et je les remercie.

Le deuil périnatal reste un sujet trop tabou dans notre société. Plus nous en parlerons, plus nous réussirons à faire avancer les choses. J’espère que mon histoire pourra aider d’autres parents.

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