Deux interruptions de grossesse après diagnostic positif de Trisomie 21.

Nous sommes convaincues qu’il est impératif de lever les tabous qui entourent la maternité. Grâce à vos témoignages, vous offrez un soutien précieux à toutes les femmes qui traversent ou ont traversé une épreuve similaire sans oser en parler. Merci pour elles, merci à vous.

Fond rose avec Sharing is Caring écrit dessus

Témoignage de Claire

« J’ai 39 ans dans 2 semaines, maman de 4 enfants, 2 petits anges et 2 petites crapules.

Olivia a 7 ans et demi. Je suis tombée enceinte d’elle alors que cela faisait plus d’un an que l’on essayait avec son papa et que j’avais eu un traitement par clomid car je n’ovulais pas. Je suis tombée enceinte d’elle alors que j’apprenais qu’il m’avait trompé 18 mois plus tôt. Grossesse compliquée, chambre à part puis finalement le bonheur de devenir parents. On se séparera aux 18 mois de notre fille pour la même raison.

Je rencontre mon mari actuel quelques mois plus tard. On se connaît depuis nos 10-12 ans. Il vient de se séparer également mais n’a pas d’enfant. Rapidement, je tombe enceinte (10 mois après nos retrouvailles), mais à la 1re écho, notre bébé ne va pas bien. Il a un œdème généralisé et son cerveau ne s’est pas divisé. Nous programmons une amniocentèse deux jours plus tard et l’interruption médicale de grossesse une semaine après. Notre bébé, une petite fille que l’on appellera Jade était porteuse d’une délétion d’un morceau du chromosome 13, la faute a pas de chance.

Malgré toute la peine, je reprends le travail et on souhaite remettre en route un bébé. Je tombe enceinte rapidement de notre petit garçon, Marius. Il a aujourd’hui un peu plus de 3 ans. La grossesse s’est très bien passée même si j’étais très stressée et angoissée qu’il y ait quelque chose, que l’on passe à côté d’une anomalie ou qu’il n’aille pas bien, mais tout va bien. Il est né le 02/02/2020 (un palindrome).

Ce bébé est tout tranquille, nous sommes aux anges si ce n’est que le travail de mon mari l’envoie à l’autre bout du monde. Il est militaire et a choisi de partir en campagne une semaine avant de devenir le papa de Marius. J’ai compris que très récemment qu’il n’avait pas vécu les choses de la même façon que moi pour Jade. Son esprit a occulté pas mal de choses, il ne s’est pas senti papa pour elle, et pour cause, l’IMG (interruption médicale de grossesse sans restriction de délai, pour un motif médical) a eu lieu à 14sa et même s’il l’a vue en salle d’accouchement car je le souhaitais, rien n’était vraiment concret.

Bref, il est parti en campagne à Tahiti pour 2 ans. Je n’ai pas pu le suivre car le papa d’Olivia ne voulait pas que je parte avec et il était impensable d’y aller sans elle. On a donc fait des allers-retours. J’y suis allée 6 fois au total en 2 ans. On a passé de merveilleux moments mais aussi des très difficiles. La 2e année de sa campagne, j’ai fait un burn-out total, au travail et à la maison. J’ai dû m’arrêter pendant 6 mois, prendre des anti-dépresseurs. C’était trop pour moi et compliqué au travail.

L’envie d’un 3e bébé (4e) m’est venue rapidement après Marius car il dormait bien, il était adorable. Je crois que si mon mari avait été là, on aurait rapidement tenté cette grossesse, mais il n’était pas là, j’étais arrêté pour burn out donc la raison nous a fait attendre.

Mai 2022, on commence les essais en sachant qu’on ne se voyait pas beaucoup avant le mois d’août. Effectivement, mes périodes fécondes ne correspondaient pas aux moments où l’on était ensemble. Je me dis qu’on se laisse peut-être 18 mois pour tenter ce bébé mais qu’ensuite, raisonnablement, on laisserait tomber. Je vais avoir 39 ans en juin et j’ai très peur d’un problème chromosomique, une trisomie 21. Le risque augmente tellement de mois en mois que je ne voudrais plus le prendre.

J’apprends ma grossesse le 02/02/2023, le jour des 3 ans de Marius. On est aux anges, ça faisait 6 mois que l’on essayait vraiment tous les mois alors que les 2 fois précédentes j’étais tombée enceinte dès le premier cycle. Rapidement, je suis très fatiguée. Je me dis que c’est l’âge. Marius se réveille souvent la nuit, le travail qui est plus éreintant… Je fais des siestes dès que je le peux mais malgré cela, à partir de 18h, je ne rêve que d’une chose, me coucher ! J’ai peur d’un œuf clair. Je me fais des échos au travail à chaque garde (je suis médecin aux urgences).

« L’œuf » est bien dans l’utérus, « la poche » grandit comme elle le doit.

On part en vacances au ski. À notre retour, nous avons l’écho de datation. Le cœur bat bien. Je suis de plus en plus fatiguée, à tel point que je demande à mon médecin de m’arrêter à l’écho T1. Les gardes de nuits sont de plus en plus dures à assurer et la journée c’est pareil. L’écho est normale, tout va bien ! Je suis persuadée d’attendre une petite fille. Mon gynéco nous confirme que pour lui c’est une fille mais c’est encore trop tôt pour en avoir la certitude. Je ne me suis jamais trompée sur les 3 précédentes grossesses. Mon mari était sûr que c’était un garçon, mais il est tellement rassuré que tout aille bien.

Je fais le tri test dans la foulée comme je l’ai fait pour Olivia et Marius. Pour Jade, l’écho était tellement anormale qu’on avait directement fait l’amniocentèse. Mon gynéco m’appelle une semaine après me disant que les résultats ne sont pas très bons. J’ai bientôt 39 ans, je me doutais que le risque serait > à 1/1000 et que je devrais faire le dpni. Cependant, quand il me dit 1/119, je me dis que quand même c’est beaucoup plus que ce que je ne pensais. Je vais faire le dpni aussitôt, les résultats mettent au moins une semaine à arriver donc je ne veux pas retarder les choses.

Pourtant, 48h plus tard, je reçois un mail comme quoi les résultats sont rendus à mon médecin. Je me dis que c’est étrange. Le stress commence à me gagner en fin de journée. N’ayant pas d’appel de mon médecin, je décide de récupérer son numéro et lui envoyer un message. C’est un weekend de 3 jours qui arrive, je ne peux pas attendre autant. Il n’a malheureusement pas accès aux résultats, il regardera le mardi matin. C’est pour lui effectivement rapide mais possible et cela ne veut rien dire.

Je continue quand même de me dire que c’est étrange, les résultats sont partis le mercredi à l’autre bout de la France et le vendredi midi sont déjà rendus. Je stresse tout le weekend. Le mardi matin, j’accompagne Olivia à une sortie scolaire avec sa classe. Sa classe est divisée en 2 groupes, je suis d’abord avec le sien puis avec l’autre partie de sa classe. Mon téléphone sonne lors de la 2e partie de la visite. Mon gynéco m’annonce que le dpni est positif. Notre bébé a de très forts risques d’être atteint de trisomie 21.

Les larmes coulent, j’essaye de me ressaisir, pour ne pas montrer à Olivia quand son groupe revient que ça ne va pas mais je vais finalement pleurer quand sa maîtresse me demande si ça va. J’explique à Olivia que le bébé, sa petite sœur a peut être des problèmes et qu’on doit faire des examens. 

Mon gynécologue m’a initialement programmé une choriocentèse, tout comme pour Jade le vendredi suivant. Finalement, on décide d’attendre 16sa soit presque 2 semaines plus tard car très rarement mais cela arrive, le placenta est « malade » mais pas le bébé. Une étude sur choriocentèse évalue le placenta tout comme le dpni donc je me raccroche à la probabilité que mon bébé, ma petite fille aille bien.

Deux semaines plus tard nous avons donc rdv avec mon gynécologue pour l’amniocentèse. Mon mari nous laisse pour l’examen pour retourner au secrétariat faire notre entrée, la secrétaire a essayé pendant plus de 20 minutes mais n’y arrivait pas. Je suis donc seule comme la première fois pour l’examen.

Mon gynéco me fait une rapide écho voir si des anomalies sont apparues depuis la dernière. Et c’est le cas, la nuque s’est épaissie, elle est toute oedématiée et il y a des kystes au niveau cérébral. Mon monde s’écroule, je perds tout espoir, je sais que mon bébé est atteint de trisomie. Je l’annonce à mon mari en descendant le rejoindre au secrétariat. Mon gynéco me confirmera le diagnostic le lendemain. On programmera l’IMG pour le vendredi suivant, à 16sa +5 jours.

Je prends les comprimés le mercredi pour maturer le col. La remplaçante de la cadre du service nous parle du refus des obsèques, de la nomination sur le livret de famille si on le souhaite. Mon mari tombe de haut et se rend compte à ce moment de tout. Il ne se souvenait pas de tout cela, pourtant nous l’avions déjà vécu pour Jade.

J’ai annoncé aux enfants par FaceTime que le bébé n’allait pas bien. Je suis allée acheter un doudou pour qu’ils parlent avec leur petite sœur. Olivia dira à ma maman que c’est injuste. Elle se souvient de sa petite sœur Jade. Elle nous a même dit le jour où on lui a annoncé la grossesse qu’ils devraient être 4 avec ce bébé. Elle ne l’oublie pas et pourtant elle n’avait que 3 ans à ce moment, l’âge de Marius maintenant…

Rdv avec l’anesthésiste par téléphone le jeudi, il me parle d’anesthésie générale, de sédation profonde. Je panique, je ne veux rien. Pour Jade j’ai simplement eu de l’atarax et je n’ai rien senti ou presque. Je me dis que c’est sûrement parce que le terme est plus avancé (2 semaines de plus).

Le jour de l’IMG arrive rapidement, peut-être même trop. Une heure après la prise du comprimé, je perds les eaux. Je ne m’y attendais pas. Pour Jade, je n’avais pas perdu les eaux. Deux heures plus tard soit 3h après la prise du comprimé, je sens littéralement quelque chose qui fait « clac » au niveau de mon ventre. Mon mari est parti prendre l’air, je vais aux toilettes et je sens que je saigne.

Notre bébé est sorti dans les toilettes ! J’ai paniqué, je l’ai attrapé dans ma main et j’ai appelé la sage-femme avec la sonnette. Elle m’a demandé si je pouvais retourner m’allonger, « impossible, je l’ai dans la main ». Cette image me hante encore aujourd’hui. On est ensuite monté en salle de naissance pour la délivrance du placenta. Mon gynéco qui était de garde ce jour-là est arrivé. Je revois encore sa tête, il était tellement désolé.

Je n’ai rien senti cette fois ou presque. C’est dingue comme notre cerveau peut faire abstraction des sensations corporelles. Pour les accouchements de Marius et Olivia, j’ai perdu les eaux avant toute contraction et une fois le travail mis en place, j’ai eu TELLEMENT mal ! Et là, encore une fois, rien ou presque.

La sage-femme nous demande si on veut voir notre bébé, elle nous demande si l’on a un prénom. On avait choisi Alba mais n’étant pas sûr officiellement je lui demande si c’est bien une petite fille. Elle me dit que pour elle c’est un petit garçon mais qu’à ce stade ce n’est pas facile… Stupeur. Mon mari sort de la salle, je me retrouve seule, nous n’avons pas de prénom. Il faut que l’on soit sûrs, je ne peux pas dire aux enfants en les rejoignant le lendemain que c’est finalement « peut-être » un garçon.

Les sages-femmes nous l’apportent. Je ne peux pas le prendre, il est tellement petit… 130g. Mon gynéco appelé par les sages-femmes confirme que pour lui c’est un garçon mais que l’on aura la certitude avec le caryotype définitif. On décide de l’appeler Ari. C’est un prénom tahitien qui signifie eau profonde au chant agréable. C’est une évidence.

Voilà notre histoire, mon histoire de maternité. Comme je vous l’ai dit je vais avoir 39 ans dans 2 semaines. Ari est né il y a un peu plus de 3 semaines maintenant. Je sais que ma maternité ne peut pas se terminer comme cela mais je suis morte de trouille à l’idée de retomber enceinte.

J’ai vu mon gynéco hier, le caryotype confirme que c’est bien Ari et que, une fois de plus, ce qui s’est passé est accidentel, faute à pas de chance, une 2e fois. A priori, nous n’avons pas de risque majeur que cela récidive… Mais quel était ce risque après une première anomalie chromosomique ? Quel était ce risque avec une première échographie complètement normale ? Le risque est de 1%. Cela peut paraître peu mais c’était le risque avec une écho normale donc pour moi c’est énorme. 

Je sais que l’on va rapidement tenter une 5e grossesse. Je sais que je serai à l’affût du moindre signe et surtout de cette fatigue intense qui avec le recul était là pour Jade alors que pas pour Marius ou Olivia. Je sais que cette grossesse, si elle arrive, ne sera pas sereine, mais je sais aussi que je ne peux pas m’arrêter là dans mon histoire de maternité. 

Et voilà, je viens de réécrire toute mon histoire alors que je l’avais enregistrée sur mon téléphone… Les mots m’aident je pense et je me dis que cela pourra peut être aider des mamans qui comme moi font face à tant d’épreuves dans leur maternité. »

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