Nous vous présentons l’insolite MotherStory de Koraline qui a donné naissance à sa fille à la maison, avec l’aide de son conjoint, ce qui ne faisait absolument pas partie de son plan de naissance ! Comme quoi, malgré la meilleure des préparations (Koraline est sage-femme), les imprévus font partie de l’aventure d’où l’importance d’en être consciente pour pouvoir accepter et lâcher prise au cas où. Découvrez sans plus attendre, heure par heure, comment s’est déroulé cet accouchement extraordinaire.
Koraline, peux-tu te présenter en quelques mots ?
J’ai 33 ans et je suis la maman d’une petite fille qui a bientôt 2 ans. Elle s’appelle Imany. Sage-femme depuis 2016, je travaille aux HUG depuis 7 ans. Il y a 4 ans, j’ai donné naissance à mon deuxième bébé – Mam : une box de produits destinés à la guérison de la sphère intime pour les jeunes mamans en post-partum.
Comment as-tu vécu ta grossesse ? Etais-tu mieux préparée de par ton métier ?
A part le 1er trimestre, j’ai super bien vécu ma grossesse. En plein covid et travaillant à l’hôpital, j’ai été arrêtée très tôt ! Ça m’a permis de profiter à fond et de faire plein de choses pour moi.
Accoucher à la maison ne faisait pas partie de ton plan de naissance, que s’est-il passé ?
A 40 semaines et 5 jours, mon terme était déjà dépassé pourtant bébé n’avait pas l’air de vouloir pointer le bout de son nez. Ne voulant pas être provoquée, j’ai tout essayé : tisane, dattes, massage, mélange secret de sage-femme pour maturer le col mais rien.
14h
En plein mois de juillet, je décide de laisser tomber mes combines et de lâcher prise en allant me détendre à la piscine. On ne contrôle vraiment rien en obstétrique, parole de sage femme (rires).
17h
De retour à la maison, j’ai des petites contractions mais que j’ai quotidiennement en fin de journée donc RAS.
23h
Avec mon conjoint, on décide d’aller marcher pour digérer et profiter de la brise du soir. Sur le chemin du retour, je sens une contraction qui me terrasse littéralement et comme dans les films, je dois m’accrocher et souffler comme un bœuf.
00h
On arrive tant bien que mal à la maison. finit par arriver à la maison. Je tente de me mettre à sur le ballon mais la pression est trop importante au niveau du périnée, je ne peux pas m’asseoir. Le futur papa, décontracté au possible, me fait quelques blagues. A ce moment, entre douleur et rire, mon corps/cœur balance. Je pars m’isoler dans la pénombre de notre chambre pour me concentrer sur ces contractions qui arrivent de manière anarchique. Mon réflexe de sage-femme (encore présent) me dit qu’elles sont encore trop irrégulières et trop espacées pour appeler qui que ce soit.
00h15
Après quelques massages d’accupressure dans le dos, je sens un liquide chaud s’écouler. Là, je suis persuadée d’avoir uriné sur les pieds de mon conjoint (rires). Je me retourne, mais non rien du tout. Je pars aux toilettes vérifier et c’est la poche des eaux qui s’est rompue. Pas de doute, mon nez aguerri de sage-femme reconnaitrait entre mille cette signature olfactive si particulière du liquide amniotique.
Voulant arriver un minimum propre à la maternité, je décide de prendre rapidement une douche avant de partir. Mon conjoint, bien briefé sur le fameux marathon, me rassure et me conseille de plutôt prendre un bain pendant qu’il rassemble les affaires, et nous partirons ensuite tranquillement. Très bonne idée ! Malgré la chaleur intense du mois de juillet, ce bain chaud me fait un bien fou. J’immerge mon ventre et me relâche complètement, je ne ressens plus le poids de mon corps.
Je n’ai plus aucune notion du temps à ce moment-là. Je me souviens avoir tenté de m’examiner (oui encore une déformation professionnelle je n’y peux rien) mais impossible, à chaque fois que je touche mon col, cela déclenche une contraction. Je laisse tomber.
1h
Les contractions s’intensifient, je crie à mon compagnon de venir vers moi, me tenir la main et m’aider. J’ai le souvenir de le voir rire à chaque fois que je souffre et que je lui broie la main, ce qui me fait rire aussi.
Je lui demande d’appeler la sage-femme qui me suit pour la prévenir qu’on va arriver. Ce soir-là, malheureusement, pas de réponse. C’est une sage-femme des urgences qui répond à notre appel et avec ce qu’elle entend au loin, elle nous conseille de venir maintenant soit d’appeler l’ambulance.
L’ambulance ? Je me dis que c’est exagéré, je ne vais quand même pas appeler le 144 pour ça… À peine raccrochée, la contraction suivante est tellement forte qu’elle me fait pousser.
Petit détail qui à toute son importance : je réalise que je suis en train de pousser pour accoucher au moment où je raconte ce récit. À l’instant T, je suis dans un déni total et je suis persuadée que je suis en train d’aller à selle dans mon bain, sous les yeux de mon compagnon ! Imaginez donc mon stress d’imaginer que la seule chose qu’il va voir c’est cette chose brune flottant à la surface du bain…
Je reprend mes esprits, la contraction se calme et mon cerveau m’incite à dire à mon compagnon de quand même appeler le 144. C’est peut être mieux en fait…
La centrale répond. Il explique brièvement la situation et à cet instant, je réalise (enfin) que je pousse bel et bien à nouveau pour accoucher ! L’ambulancier lui indique quoi faire : « Sortez-la du bain et installez-la sur le lit. Allez chercher des serviettes propres et mettez-les sur le lit. Vous allez devoir réceptionner le bébé. » Réceptionner quoi ?
Après une seconde de flottement (moi je ne suis plus là, c’est mon compagnon qui me raconte le déroulement), il me sort de l’eau et me dépose en douceur sur le lit. Il court chercher ce que lui a demandé l’ambulancier et revient la seconde suivante.
Bien installée à quatre pattes sur le lit, l’ambulancier demande : « Est-ce que vous voyez quelque chose ? ». À reculons, il fait mine de regarder d’un œil : « Non, non je ne vois rien. Ah si, ça y est, je vois des cheveux ! ».
Une contraction arrive, je pousse instinctivement de tout mon être. Je sens cette brûlure intense, le fameux anneau de feu et spontanément, je place ma main sur mon périnée. Je sens la tête de mon bébé, déjà à moitié dehors et là, mon compagnon derrière moi place sa main sur la mienne. Je retire ma main et me repositionne prête à pousser sur la prochaine contraction. J’ai l’impression que le temps est ralenti, la contraction ne vient pas !
1h30
La contraction arrive. Je pousse à 4 pattes, Mon conjoint accompagne la tête de notre fille lorsqu’elle naît et la pose délicatement derrière moi, entre mes jambes.
1h31
Ding dong ! C’est le cardio mobile et le médecin qui sonnent. Ils arrivent pile au moment de constater la naissance, de prendre le relais et de s’assurer que bébé va bien.
Shootée aux endorphines, je ris à plein poumons et ne ressens aucune pudeur alors que je suis encore trempée de l’eau de mon bain, nue comme un vers, à quatre pattes, sur le lit avec ma fille encore reliée à moi par le cordon ombilical que papa finira par couper.
2h05
On emmitoufle bébé dans une couverture propre et nous partons rapidement à la maternité. Je n’ai toujours pas délivré, c’est-à-dire que le placenta est toujours dans mon utérus. Il finit par sortir 30 minutes plus tard grâce à l’ocytocine de synthèse qui passe dans mes veines.
Que ressens-tu à ce moment précis ?
Je suis et surtout NOUS sommes rassurés ! Tout le monde va bien, papa peut enfin souffler. Il a été d’un calme olympien et a joué le rôle de la sage-femme à merveille. Je n’en reviens pas encore de ce qui vient de se passer. Il nous faudra quelques jours pour atterrir. J’ai été accueilli par mes collègues de la maternité avec beaucoup d’émotions, c’était un moment très fort.
Quel était ton plan de naissance à la base ?
D’accoucher à la maternité, entourée de mes collègues et surtout des amies que j’ai choisies pour ce moment si important. Je n’avais en tout cas absolument pas prévu d’accoucher à la maison vu mon background professionnel et encore moins que mon mari joue le rôle de la sage femme ! Finalement ce fut l’expérience la plus dingue et forte en émotions. Notre appartement à maintenant une valeur particulière vous vous en doutez !
Et puis, si cela a été aussi rapide (1h15) c’est que cela devait se passer comme ça.
Est-ce que ton conjoint a été choqué par cette naissance à la maison ?
Par chance, non car nous en avons beaucoup parlé après coup. Mais c’est fou quand même quand j’y repense ! Je l’avais prévenu que le travail pouvait être (très) long pour une première grossesse. En bonne sage-femme, je nous avais préparé un plan d’attaque dans l’esprit d’un marathon incluant un petit encas, son rôle de coach, des massages, de la musique… Bref, tout ce que je conseille à mes patientes au quotidien ! Comme quoi, on a beau se préparer encore et encore, il faut se faire à l’idée qu’un imprévu peut survenir à n’importe quel moment et il faut l’accepter.
Du point de vue de sage-femme et de maman, que penses-tu d’un accouchement à domicile ?
Même si le projet de donner naissance à domicile est une expérience incroyable, en tant que professionnelle de santé, je ne peux que le déconseiller et ce, pour des raisons évidentes de sécurité. Si toutefois, vous souhaitez vraiment le faire, il faudra vous préparer avec votre sage-femme. C’est elle qui sera responsable de vous et de votre bébé et, en cas d’urgence, devra agir et organiser un transfert à l’hôpital. Une lourde responsabilité que peu de sage-femmes acceptent de prendre. Ayez donc en tête tous les scénarios possibles, les meilleurs comme les pires afin d’être prête mentalement.
D’un point de vue personnel, accoucher à la maison a été l’expérience la plus incroyable de ma vie. Je réalise la force et la puissance de mon corps que j’ai su écouter et laissé faire. Je souhaite à toutes les femmes de vivre une expérience similaire, qu’elle soit à la maison, en maison de naissance ou à la maternité.
Il n’y a pas de naissance idéale, l’accouchement parfait, c’est le sien !
Partager cet article